Le Dr Henri Bléhaut et François Bellamy, consultant scientifique de la Fondation, rencontrent Serge Petit, Stéphane Giraud et Damien Charre, respectivement directeur, responsable de la biologie et chimiste chez Idealp Pharma.
Le Dr Henri Bléhaut et François Bellamy, consultant scientifique de la Fondation, rencontrent Serge Petit, Stéphane Giraud et Damien Charre, respectivement directeur, responsable de la biologie et chimiste chez Idealp Pharma.
François Bellamy, consultant scientifique pour le programme CiBleS21, compte 40 ans d’expérience en recherche. Il a d’abord été chercheur en Université et au CNRS, avant d’intégrer l’industrie pharmaceutique comme Directeur du département de chimie puis de la recherche préclinique des laboratoires Fournier. Depuis 2001, il intervient comme conseiller scientifique indépendant auprès de plusieurs start-up françaises et étrangères dans de nombreux domaines thérapeutiques.
Idealp-Pharma est l’un des prestataires les plus importants dans le programme CiBleS21. Cette entreprise lyonnaise est spécialisée en chimie médicinale, cheminfo, biologie et développement préclinique de solutions thérapeutiques.
Pour mieux comprendre les enjeux du programme CiBleS 21, partagez une réunion de travail, le 7 octobre 2009, dans les locaux d’Idealp Pharma, à Lyon.
Pourquoi Idealp Pharma a-t-elle adhéré au projet ?
S.P : d’abord par intérêt pour le projet en lui-même et pour la cause : trouver un traitement à la trisomie 21. Ensuite, parce que nous souhaitions nous orienter dans le domaine des pathologies neuro-dégénératives. Des connaissances déjà acquises dans une pathologie, par exemple, le passage de la barrière hémato-encéphalique, peuvent ainsi être utiles aussi bien dans un programme de recherche sur la maladie d’Alzheimer que sur la trisomie 21.
Depuis les débuts du programme CiBleS21 en 2004, sur quoi avez-vous travaillé ?
H.B : d’abord à constater que la CBS était impliquée dans la déficience intellectuelle de la trisomie 21 ; ensuite à trouver un inhibiteur. Pour cela, on a observé les substances (substrats) qui réagissent grâce à l’enzyme cystathionine beta-synthase (CBS), puis nous avons travaillé à les moduler*, les modifier et essayer des analogues des substrats ou d’autres molécules. Cette démarche pour ’identifier les molécules qui inhibent la CBS et trouver celles qui se fixent très bien est capitale… Ces molécules s’appellent des hits ! Nous disposons de quelques hits intéressants à ce stade.
F.B : au lancement du projet, nous connaissions la cible : l’enzyme CBS. Il a d’abord fallu l’isoler pour la produire, puis mettre au point un test pour mesurer son activité. La validation de chaque étape nécessite beaucoup de temps.
S.P : Ensuite, il y a eu le criblage de 42 000 molécules, très long également. La découverte de quelques hits a déclenché la synthèse de molécules et la recherche d’analogues*. Il faut toujours essayer de modifier légèrement la molécule pour l’optimiser.
F.B : c’est à ce stade qu’avec l’aide du Dr Henri Bléhaut, des coopérations internationales ont été initiées, par exemple pour produire la protéine de la CBS en grande quantité (50 mg !), nécessaire pour nos tests. Dans ce cas, nous collaborons avec une entreprise spécialisée située à Bangalore (Inde).
Vous vous êtes heurtés à de nombreuses difficultés. Comment avancer ?
S.B : en suivant plusieurs pistes comme toujours ! La difficulté peut être liée à une expérience, à des outils – dans ce cas, on essaye de modifier les paramètres -, ou encore à la stratégie globale. C’est le cas du programme CiBleS21 dans lequel la difficulté centrale reste de trouver des hits.
F.B : rencontrer des obstacles est inhérent à ce type de projet. Le programme CiBleS21 est particulièrement complexe. En cinq ans, nous avons collecté une masse considérable de connaissances. Et ce n’est qu’un début : les résultats de la cristallographie de la CBS (en cours) vont contribuer à accélérer les choses. On peut penser que d’ici deux à trois ans, nous disposerons d’un candidat préclinique, c’est-à-dire une molécule ayant passé toutes les étapes et pouvant faire l’objet d’une étude clinique chez l’homme.
H.B : nous disposons d’un hit très puissant mais malheureusement toxique ! Sa cristallographie / cristallisation va permettre d’obtenir une analyse précieuse pour identifier où et comment elle se fixe et se fixent également d’autres familles de molécules nouvelles, aux propriétés analogues, possédant les mêmes charges et se fixant aux mêmes endroits sur l’enzyme pour l’inhiber parfaitement. C’est le cœur du sujet aujourd’hui. Une fois cette étape terminée, nous réaliserons des études sur les souris (2 à 3 ans) et, si les résultats sont concluants, des essais cliniques chez l’homme (3 à 5 ans environ).
Chercher à traiter la déficience intellectuelle vous parait-il accessible ?
S.B : quand on connaît bien le sujet avec les diverses publications confortant cette hypothèse, on constate que c’est cohérent. Par l’observation clinique et médicale, le Professeur Jérôme Lejeune, médecin, généticien et biochimiste, a identifié les voies métaboliques modifiées chez les trisomiques ; il a formulé l’hypothèse que la CBS était sur le chromosome 21 et qu’il y avait un excès de CBS chez le patient trisomique. Cette hypothèse a été confirmée par biologie moléculaire bien plus tard. Cette localisation par la clinique est exceptionnelle.
F.B : les arguments scientifiques vont dans le même sens. Trouver un traitement par la pharmacologie classique paraissait illusoire à beaucoup ; désormais, cette hypothèse tend à devenir réaliste. Tant que ce n’est pas invalidé… poursuivons la cible !
*LEXIQUE
Hits : molécules capables d’inhiber l’activité de la CBS.
Moduler : faire évoluer.
Recherche d’analogues : on essaie de rajouter ou d’enlever des parties à la molécule pour la rendre encore plus efficace contre la cible.