La Fondation et l’Institut Jérôme Lejeune réfléchissent à la pertinence d’un dépistage et d’une prise en charge précoces des troubles respiratoires du sommeil chez les jeunes enfants trisomiques 21.
La petite Marie est née avec une grave cardiopathie, comme c’est parfois le cas chez les enfants trisomiques.
Opérée à sa naissance, le résultat ne fut pourtant pas probant. « Malgré la réparation du cœur, les capteurs continuaient à sonner dans tous les sens » explique Chantal, sa maman.
Les médecins constatent alors une désaturation profonde et sévère de la petite fille la nuit et soupçonnent un syndrome d’apnée du sommeil. La polysomnographie prescrite (examen permettant d’enregistrer le sommeil pour détecter des anomalies respiratoires et mesurer la qualité du sommeil) révèle alors chez Marie des apnées du sommeil extrêmement sévères.
Immédiatement appareillée, Marie a montré des progrès en quelques heures seulement. Sa Maman témoigne : « En l’espace de 24 h, nous avons vu une nette différence. Elle a notamment acquis une tonicité musculaire dont elle ne disposait pas auparavant. » « Nous sommes persuadés que la bonne ventilation du cerveau de Marie la nuit est primordiale pour son éveil ». Traitée pour son syndrome d’apnée du sommeil depuis deux ans, Marie se porte bien aujourd’hui et s’est habituée à l’appareil ventilatoire qu’elle « retrouve tous les soirs avec joie ».
UNE MAUVAISE OXYGÉNATION DU CERVEAU
Le docteur Aimé Ravel, généticien et chef du service de la consultation à l’Institut Jérôme Lejeune, qui suit le développement de la petite fille depuis sa naissance, s’est saisi de cette question avec beaucoup d’intérêt. « Ce cas illustre une intuition qui était la mienne depuis de nombreuses années, car la structure physiologique des personnes trisomiques 21 favorise les apnées du sommeil et une mauvaise oxygénation du cerveau la nuit, au moment même où celui-ci se construit et se développe. »
Confirmant l’intuition d’Aimé Ravel, les statistiques montrent une prévalence forte des apnées du sommeil, dix fois supérieure chez les jeunes enfants trisomiques 21 à la population pédiatrique générale. Ce taux augmente avec l’âge pour arriver jusqu’à 90% chez les adultes porteurs d’une trisomie 21. Si les troubles sont plus fréquents, ils sont également plus sévères.
Néanmoins, comme certaines recommandations américaines n’envisagent pas la pratique de la polysomnographie avant l’âge de 4 ans, le syndrome d’apnée du sommeil est peu détecté chez les jeunes enfants et souvent méconnu. Pourtant, des traitements existent, tels que l’ablation des amygdales ou la ventilation nocturne le cas échéant. Le Docteur Ravel estime ainsi que « le dépistage plus précoce, avant l’âge de 6 mois et pendant les trois premières années de vie, permettrait sans doute un meilleur développement neurocognitif et comportemental ».
DES RÉPERCUSSIONS SUR LE DÉVELOPPEMENT COGNITIF
L’expérience vécue avec la petite Marie confirme que les troubles respiratoires du sommeil ont des répercussions sur le développement cognitif et psychomoteur des personnes trisomiques à tout âge de leur vie. Par ailleurs, de nombreux cliniciens et des études cliniques sur des petits effectifs ont constaté que les nourrissons trisomiques 21, dont les troubles respiratoires du sommeil avaient été dépistés et pris en charge dès les premières semaines de vie, avaient un bien meilleur développement neurocognitif et psychomoteur et moins de troubles du comportement.
Autrement dit, il y a peut-être ici une équation facile à résoudre pour offrir à des milliers d’êtres une meilleure qualité de vie et donc une plus grande autonomie.
UN PROGRAMME DE RECHERCHE À VENIR
L’Institut et la Fondation Jérôme Lejeune réfléchissent ainsi avec l’hôpital Necker et plus particulièrement le Professeur Brigitte Fauroux, responsable de l’Unité de ventilation non invasive et du sommeil de l’enfant, à lancer un programme de recherche visant à évaluer l’intérêt d’un dépistage systématique du syndrome d’apnée du sommeil chez les jeunes nourrissons associé à une correction optimale de ce trouble par un traitement adapté. Celui-ci sera logiquement piloté à l’Institut Jérôme Lejeune qui reçoit à peu près un tiers des enfants trisomiques qui naissent chaque année en France, soit 150 enfants environ. Se pose bien sûr la question du financement de ce programme qui sera abordée dans les semaines qui viennent par le Conseil d’administration de la Fondation Jérôme Lejeune, dès lors que le projet sera bouclé et validé par les différentes parties prenantes.
La maman de Marie résume avec des mots simples ce défi : « La stimulation, ok, c’est important, mais bien dormir, c’est essentiel ! ».