Christel Prado, la présidente de l’Unapei, fédération d’associations françaises de représentation et de défense des intérêts des personnes handicapées mentales et de leurs familles, interviendra lors des Journées internationales Jérôme Lejeune Familles et Accompagnants. Elle nous confie ses préoccupations en avant-première.
Christel Prado, la présidente de l’Unapei, fédération d’associations françaises de représentation et de défense des intérêts des personnes handicapées mentales et de leurs familles, interviendra lors des Journées internationales Jérôme Lejeune Familles et Accompagnants. Elle nous confie ses préoccupations en avant-première.
Quel état des lieux faites-vous de la politique qui concerne le handicap mental ?
Incontestablement, nous pouvons nous féliciter de l’avancée sociale accomplie pour la reconnaissance des personnes déficientes intellectuelles et de leur dignité. L’enjeu est maintenant de passer de la reconnaissance des droits à l’accès au droit. Nous devons nous attacher à faire évoluer la société et, avant tout, à changer l’attitude de chacun vis-à-vis de la personne handicapée mentale en commençant par ne plus faire comme si elle n’existait pas car la transparence sociale est la pire des choses.
Quels sont les grands défis pour l’avenir ?
J’en vois deux principaux : l’éducation des personnes déficientes intellectuelles et la prise en compte de leur vieillissement. La reconnaissance des droits à l’éducation et à la scolarité existe aujourd’hui. Pourtant, bon nombre d’enfants handicapés en sont écartés ou la qualité de l’accompagnement de cette éducation n’est pas assurée. Or, évidemment, ils ont le droit d’aller à l’école, ordinaire ou adaptée. En outre, investir dans la formation des enfants handicapés reviendrait moins cher, à moyen et long terme, que le financement de la dépendance de personnes qui, n’ayant pas été formées, ne peuvent pas travailler ni être suffisamment autonomes.
La scolarisation des jeunes handicapés en milieu ordinaire pose des problèmes parce que, pendant longtemps, notre société les a exclus et a fait comme s’ils n’existaient pas. Quand on ne reconnait pas quelqu’un, on ignore ses besoins. On a peur de l’intégrer à un groupe et de répondre à ses problématiques spécifiques. La loi du 11 février 2005 impose d’intégrer l’éducation à la différence dans les programmes scolaires. Mais six ans après le vote de la loi, les programmes n’ont pas été changés et on ne parle toujours pas du handicap mental à l’école.
Quant au vieillissement, je suis inquiète parce que, en 2013, plus de 30 000 personnes handicapées mentales, âgées de plus de 50 ans, se retrouveront sans solution adaptée (elles étaient 15 000 en 2008). Le vieillissement de la personne déficiente intellectuelle doit être reconnu comme un vieillissement précoce, nécessitant un accompagnement de la personne dans sa spécificité.
Autrement, nous laisserons des personnes bien trop fatiguées poursuivre leur activité professionnelle, ou elles intégreront des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), c’est-à-dire des maisons dans lesquelles la moyenne d’âge à l’entrée est de 85 ans…
Le constat est-il le même pour le monde du travail ?
En France, les 6% – pourcentage légal d’emploi de personnes handicapées ne sont pas encore atteints. Des efforts restent à faire, même si nous sommes le pays européen qui exige le plus fort taux d’emploi des personnes handicapées. L’Unapei travaille à la mise en œuvre de validation des acquis et de l’expérience de ces personnes pour mettre en valeur leurs compétences. Certaines vont, par exemple, vers des qualifications type C.A.P.
En outre, je vais bientôt rencontrer Nadine Morano, Ministre chargée de l’Apprentissage et de la Formation professionnelle car je souhaite que l’on construise ensemble des formations pour les jeunes handicapés intellectuels qui le peuvent.
Comment envisagez-vous les années à venir ?
Je suis une idéaliste et je n’ai pas envie de me soigner ! J’essaie toujours, avec mes convictions, de contribuer à la construction de solutions. Sans méconnaître le contexte, je suis optimiste, même si je sais que nos décideurs ont et auront des choix douloureux à faire. Malgré tout, c’est au moment où les pires catastrophes arrivent, y compris économiques, que la solidarité trouve du sens.