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Accrocher des réalisations à contre-pente

Evénement
09 Juil 2015 Accrocher des réalisations à contre-pente

Intervention de Jean-Marie Le Méné à la Grande soirée humanitaire du Puy du Fou au cours de laquelle la Fondation Jérôme Lejeune recevait un Prix – 3 juillet 2015

Ce soir il me suffit de vous dire merci. Merci chers amis de ce geste de générosité à l’égard de la fondation Jérôme Lejeune.

1 – Merci, vous les Puyfolais de faire partie du petit nombre de ceux qui ont compris que la fondation ne fait pas mieux que les autres, mais qu’elle fait ce que les autres ne font plus et qui est pourtant assez simple depuis des millénaires : accueillir des personnes qui ne devraient plus vivre, que la société a en quelque sorte condamnées.

Or, curieusement, dans notre société, vous noterez qu’il y a de plus en plus de personnes qui n’ont plus le droit d’exister, pour des raisons chaque jour de plus en plus nombreuses. Il y a dorénavant des milliers de raisons d’être rayé du monde des vivants : un chromosome en plus ou en moins, une quelconque disgrâce de la nature, une vague inquiétude de pronostic, une ombre à l’échographie, une non-conformité, une anormalité, une absence d’agrément de la société qui décide pour vous, etc.

C’est pourquoi notre consultation reçoit de plus en plus de patients qui sont des rescapés de l’eugénisme ambiant. Aussi il a fallu que cette consultation devienne pluridisciplinaire pour pouvoir combattre, avec le secours de toutes les disciplines médicales, ces mauvaises raisons de ne pas vivre, qui sont autant de motifs de désespérance, et qui sont surtout des reproches adressés à ceux qui survivent à cette culture du déchet. C’est précisément au développement de cette consultation pluridisciplinaire que votre don va aider.

2 – Mais, comme disait La Rochefoucauld « Nous nous consolons aisément des disgrâces de nos amis lorsqu’elles servent à signaler notre tendresse pour eux ». Cette exigence de justice qui consiste à donner à chacun la chance d’être aidé à vivre, c’est normal. C’est la raison d’être de la consultation médicale de la Fondation, qui est la plus grande dans le monde. Cependant, la fondation Lejeune, c’est beaucoup plus que cela.

C’est la volonté de surmonter une rupture intellectuelle avec la science qui consiste à s’abstenir de chercher à traiter et à guérir des personnes qui n’auraient pas dû vivre. Cette grande défaite de l’intelligence, Lejeune a essayé de la combattre de son vivant. C’est peut être aujourd’hui la plus grande victoire de la fondation que d’avoir réussi à renouer avec la science, d’avoir réussi à susciter l’intérêt de la recherche notamment pour la trisomie 21, d’avoir convaincu que se fermer un pan de recherche, une fenêtre de recherche pour des raisons idéologiques était une défaite de l’intelligence, plus encore, une faute. Cet objectif est atteint : on le voit grâce au financement depuis 20 ans de près de 600 programmes de recherche par la Fondation.

Nous sentons même aujourd’hui un frémissement inconnu pour la recherche sur la trisomie qui est dû à la proximité de l’Alzheimer et de la trisomie. Lejeune en avait parlé il y a quarante ans, on l’avait pris pour un fou. Les chercheurs le redécouvrent aujourd’hui. « C’est avoir tort d’avoir raison trop tôt ».

3 – Mais notre but n’est pas d’avoir raison sur le plan scientifique. Jérôme Lejeune nous a montré un horizon plus élevé. Très tôt, il a eu des formules qui anticipaient l’idéologie technologique que nous connaissons et dont nous souffrons aujourd’hui sous le nom de transhumanisme. De la médecine, il disait : « quand la nature condamne, le rôle de la médecine n’est pas d’exécuter la sentence mais de chercher à commuer la peine ». Ou encore : « la technologie est cumulative mais la sagesse ne l’est pas ». Ou encore : « il n’y a pas de solution technique à la folie des hommes ».

Vous savez que nous vivons une époque de déconstruction de l’humain où tout est remis en cause et de reconstruction d’un être venu de nulle part où la frontière entre l’homme et l’animal, l’homme et la machine, le réel et le virtuel est brouillée. Nous sommes réduits à l’état de projet modelable, modulable, modifiable où nous pouvons être faits, défaits, refaits, parfaits à volonté comme si nous étions affranchis de notre propre incarnation.

L’un des pères de cette utopie transhumaniste est d’ailleurs Julian Huxley (biologiste et frère d’Aldous Huxley, « Le meilleur des mondes ») qui sera fondateur et premier directeur de l’UNESCO. Ce n’est pas indifférent pour vous les Puyfolais de voir que ce transhumanisme promus par Huxley avec les moyens de l’ONU est contemporain du déclin de cette culture pour laquelle vous vous battez.

C’est pour cela que le combat du Puy du Fou et celui de la Fondation Lejeune, ce sont les deux faces d’une même médaille. Comme le Puy du Fou, nous ne sommes pas « dominés par la peur d’être ce que nous sommes ni par la honte de n’être pas ce que sont nos adversaires ».

Comme vous, nous combattons, moins par des mises en garde que par « des réalisations qu’on accroche à contre-pente ».

Pour cela il faut être un peu alpiniste ou acrobate, c’est-à-dire encordés avec des hommes de confiance. Avec vous nous le sommes. Merci encore.

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