Jean-Marie Le Méné, président de la fondation Jérôme Lejeune, revient sur la campagne «Chère future maman» qui s’interroge sur l’accueil de l’enfant trisomique à naître.
À l’occasion de la journée mondiale de la trisomie 21, vendredi 21 mars, une campagne intitulée « Chère future maman » a été lancée sur Internet, financée par une dizaine d’organismes en Europe, parmi lesquels la Fondation Jérôme Lejeune. Son principal volet est une vidéo, dans laquelle des personnes trisomiques rassurent une femme enceinte qui vient d’apprendre que son bébé est atteint de la maladie. D’après la fondation, ce petit film a déjà été visionné plus de 1,7 million de fois.
La Croix : Quel est l’objectif de la campagne « Chère future maman » ?
Jean-Marie Le Mené : « L’idée est de rompre avec les schémas de pensée habituels sur la trisomie 21, qui conduisent trop souvent du dépistage à l’avortement (NDLR : En France aujourd’hui, 96 % des fœtus atteints de trisomie font l’objet d’une interruption de grossesse). La campagne s’appuie sur une approche inédite, avec trois caractéristiques : 1. le message est résolument positif, puisqu’il renvoie au fait que, oui, les personnes trisomiques peuvent être heureuses ; 2. le film donne la parole aux personnes trisomiques elles-mêmes, ce qui était rare jusque-là ; 3. la cible est double, concernant tout à la fois les parents, en particulier les mères, à qui l’on dit qu’elles n’ont pas à culpabiliser d’avoir gardé un enfant trisomique, au contraire, et au corps médical.
Comment expliquer le succès d’une telle campagne ?
J-M. L.M. : Il est vrai qu’on ne s’attendait pas à ce que ce film soit vu par tant de personnes. Je crois que dans le contexte actuel d’eugénisme, les gens ressentent un manque, ils doutent. Ils sont soulagés face à un message de vérité qui redonne un visage aux personnes concernées, alors que ces dernières années, on a dépisté les enfants trisomiques avant de les aimer ! Le film rappelle que le handicap, même mental, n’empêche pas d’être heureux, même s’il n’occulte pas les difficultés.
Au-delà de ces messages positifs et émouvants, comment favoriser concrètement l’accueil de l’enfant trisomique à naître ?
J-M. L.M. : Il est important que la société s’implique, en ne laissant pas la future mère seule face à ses dilemmes, pire, avec le poids de la culpabilité d’avoir gardé l’enfant. Si les enfants filmés sont heureux, c’est parce qu’ils ont trouvé leur place dans la société, certains travaillent, ont une autonomie. Ils ont une reconnaissance. Autrement dit, la question de la trisomie et, plus généralement du handicap, concerne tout le monde, pour ne pas que la femme enceinte se dise : ‘je ne peux pas garder le bébé car ce sera trop difficile, il n’aura pas de place à l’école, il ne pourra pas trouver un emploi plus tard, etc.’. Il faut également soutenir la recherche, qui avance ! Notre fondation est aujourd’hui associée à trois essais cliniques destinés à améliorer les capacités cognitives des personnes atteintes de trisomie. Quant aux cellules-souches reprogrammées, elles sont porteuses, à plus long terme, de réels espoirs thérapeutiques.
Propos recueilli par Marine Lamoureux pour le Journal La Croix