L’éditorial de Jean-Marie Le Méné, Président de la Fondation Jérôme Lejeune – Twitter : @jmlemene
Dans un interview récent, le Primat de l’Eglise catholique arménienne, en relevant la continuité centenaire entre le génocide des Arméniens de 1915, la Shoah et l’extermination des chrétiens d’Orient aujourd’hui, montrait l’enchaînement des crimes impunis : « Qui se souvient encore du massacre des Arméniens ? demandait Hitler en 1939. Cela l’a encouragé à perpétrer ce qu’on appelle la Shoah parce qu’un crime qui n’est pas sanctionné devient une occasion pour que d’autres crimes soient perpétrés à leur tour (…) Si on ne sanctionne pas la gravité de ces faits, d’autres génocides vont avoir lieu, et d’ailleurs, ils ont lieu ».
Cet enchaînement des crimes impunis, on le retrouve non seulement avec les crimes commis sous le coup de la barbarie extérieure, mais aussi de la barbarie intérieure. Depuis quarante ans, c’est une succession ininterrompue d’attaques perpétrées dans et par la famille, dans et par la médecine, dans et par la loi, que le saint pape Jean-Paul II a qualifiée de « conspiration contre la vie ». Avec des périodes d’accélération comme celle que nous connaissons. En quelques jours la France a « encaissé » : suppression du délai de réflexion précédant l’avortement, pratique de l’IVG instrumentale en centre de santé, distribution de la pilule du lendemain aux mineures par les infirmières scolaires, possibilité pour les sages-femmes de réaliser des IVG médicamenteuseset surtout perspective de quota d’une IVG pour trois naissances imposé aux établissements de santé dont l’activité serait jugée insuffisante… La même loi santé contient aussi des dispositions permettant de fabriquer des embryons expérimentaux et de les transférer in utero, pour voir… Dans le même temps, il faut ajouter le vote de la loi Leonetti-Claeys, gauche et droite réunies, autorisant l’euthanasie par privation et sédation qui conduisent irréversiblement à une mort économique, programmée en cinq à six jours. Ce que nos amis italiens qualifient de théorisation d’anesthésie de la mort. Loi immédiatement suivie d’un amendement d’appropriation étatique des corps qui interdira aux familles de s’opposer au dépeçage de leurs défunts, via le don d’organes. Dans quelques mois, on attend la réglementation du nouveau test de dépistage de la trisomie 21 qui fera monter l’eugénisme de 97 % à 100 % des foetus diagnostiqués.
Certains esprits pacifistes estiment qu’il suffirait de montrer le chemin du bien pour mettre le mal en déroute. Cette pusillanimité n’est pas partagée par les victimes des génocides. Sans justice et sans réparation, le crime continue et le droit des gens n’est pas rétabli. Il existe un texte majeur qui constitue un point d’accroche pour notre espoir en lambeaux. C’est l’encyclique Evangelium Vitae que Jean-Paul II a écrite en 1995. Tout y est dit avec une lumière qu’on a perdue, à la fois le caractère résolument novateur de ces forces mortifères mais aussi l’éminente dignité de la valeur de la vie que beaucoup de chrétiens eux-mêmes ont oubliée, à la fois la dimension apocalyptique du combat entre la vie et la mort mais aussi la nécessité de refonder une conception thomiste de la loi. Une loi est une ordonnance de la raison en vue du bien commun… Une loi injuste n’est pas une loi… A l’enchaînement des crimes impunis, il n’y a qu’une réponse, c’est de rompre la chaîne des complicités. Pour que la France, fascinée par la précipitation de sa fin, ne s’effondre pas d’avortoirs en mouroirs, nous devons prendre le risque de dire la réalité, comme Mgr Von Galen en 1941 a dénoncé avec succès le programme Aktion T4, qui éliminait les plus vulnérables.