Elève puis collaboratrice du professeur Lejeune, fondatrice de l’Institut Lejeune avec le Professeur Marie-Odile Réthoré et le Docteur Aimé Ravel, le Docteur Clotilde Mircher est désormais chef de la consultation de l’Institut. A l’occasion de cette nouvelle responsabilité et dans le contexte particulier que nous traversons, elle a accepté de répondre à quelques questions. Rencontre avec une des figures du centre médical.
Quel est l’impact sur l’institut de la crise épidémique que nous traversons ?
Depuis le 16 mars dernier, l’Institut doit se réinventer hors-les-murs.
Concrètement, nous avons dû cesser pour toute la durée du confinement les consultations physiques, suspendre les inclusions des patients dans les programmes de recherche, les formations, et trouver de nouveaux moyens de poursuivre nos missions.
La quasi-totalité des consultations ont pu être maintenues grâce à la mise en place de téléconsultations. Plusieurs membres de l’équipe médicale, médecins et infirmières, se sont engagés pour renforcer les rangs des soignants mobilisés par l’épidémie de Covid-19, et sont en première ligne pour soigner les malades.
Nous avons mis en ligne la rediffusion d’une de nos formations sur les troubles du comportement, pour apporter une aide aux professionnels qui accompagnent des jeunes susceptibles d’être marqués par les événements.
Nous nous efforçons de répondre au mieux à toutes les demandes que nous recevons. Toute l’équipe de l’Institut est mobilisée pour conseiller et accompagner, et une permanence téléphonique a été mise en place à cet effet. La psychologue et le médecin psychiatre de l’Institut sont particulièrement mobilisés pour répondre à toutes les demandes des familles anxieuses face à cette période si particulière.
Comment se déroule une téléconsultation ?
Nous prenons le temps de faire le point sur le plan médical, rééducatif, la scolarité ou l’insertion professionnelle par le biais d’un interrogatoire poussé, et on peut dans certains cas faire des ordonnances d’examens à réaliser après le confinement, renouveler le traitement, et de toute façon rédiger un compte-rendu. Nous conseillons aux patients de revoir leur médecin traitant à la fin du confinement. Pour certains patients, cette téléconsultation suffit et on ne les reverra que dans un an ou deux. Pour d’autres, notamment les nouveau-nés, nous estimons nécessaire de reprogrammer un rendez-vous en présentiel dans un avenir proche. Ces téléconsultations nous permettent d’avancer un peu le suivi médical.
L’impact se ressentira encore dans les mois qui suivront la sortie du confinement : le délai d’attente pour une prise de rendez-vous est déjà long, et il va falloir trouver le moyen d’ajouter au planning les rendez-vous reprogrammés. Un vrai défi pour l’équipe médicale !
Comment cette organisation provisoire se traduit-elle en interne ?
Grâce aux outils informatiques, et aux techniciens qui nous assistent, nous pouvons garder notre rythme de réunion. Chaque semaine, nous nous retrouvons en visioconférence pour le staff médical au cours duquel nous parlons des patients, et, dans ce contexte particulier, des retours que nous avons des cas d’infections Covid19.
Nous sommes aujourd’hui tous sur le pont et déterminés à poursuivre notre activité. Cette période particulière met en lumière la solidarité et le dévouement de chacun pour les patients.
Que savons-nous aujourd’hui de l’exposition des personnes avec déficience intellectuelle au virus ?
Au stade actuel, aucun élément scientifique ou médical ne permet de dire que ces personnes seraient plus exposées que d’autres, hormis les personnes plus fragiles. Comme dans la population générale, les patients souffrant de pathologies cardiaques ou respiratoires, de diabète, ou les plus âgés requièrent une attention particulière.
Nous avons lancé, en lien avec l’association T21 Research Society, et des médecins et chercheurs du monde entier, un programme de recherche pour colliger les cas de personnes porteuses de trisomie 21 touchées par le virus afin d’avancer dans la connaissance et de conseiller au mieux les familles.
Vous avez participé à la création de l’Institut il y a 21 ans et êtes depuis le 24 février 2020 le nouveau chef de la consultation : que représente cette responsabilité pour vous ?
Je suis très honorée de la confiance que m’accordent les directeurs et l’équipe pour prendre la suite du Docteur Ravel qui a façonné l’Institut pendant plus de 20 ans. C’est un honneur, mais aussi un défi car la tâche est grande. Je crois que j’ai un rôle de transition pour assurer une continuité entre l’Institut d’hier et son développement futur, dans un contexte médical et social qui évolue sans cesse.
Lorsque nous nous sommes lancés, il y a une vingtaine d’années, nous souhaitions avant tout continuer à recevoir les patients et leurs familles et à faire de la recherche. L’institut Jérôme Lejeune s’est agrandi et développé au fil du temps, rejoint par des professionnels jeunes, motivés et experts dans leurs domaines respectifs. Voir tout le chemin parcouru depuis le début est très beau et encourageant pour le futur. Il y a toujours eu une dynamique forte, grâce à une équipe très engagée et motivée, et au soutien de la Fondation Jérôme Lejeune et des donateurs. Ce dynamisme est très stimulant !
Quelle est votre vision pour l’Institut, et quelles sont vos priorités comme chef de service ?
Notre défi principal est de préparer l’avenir, tout en répondant dès aujourd’hui à une demande toujours croissante. Les solutions à développer sont nombreuses : le renforcement de notre équipe médicale par le recrutement de nouveaux médecins, le développement du travail en réseau avec les médecins libéraux, les structures hospitalières et d’accueil, la poursuite des formations par l’accueil de stagiaires médecins et paramédicaux et les séminaires organisés à l’intention des professionnels. La transmission de notre expérience et le partage avec les professionnels contribuent à préparer l’avenir et à faire grandir un réseau de professionnels autour des personnes porteuses de déficience intellectuelle.
Nous devons aussi continuer à développer la recherche, et c’est quelque chose qui me motive beaucoup. Des projets très intéressants et dynamiques sont en cours, et de plus en plus à l’échelle internationale. La recherche doit rester une des lignes directrice de l’Institut, au bénéfice des patients.
Enfin, un autre grand défi pour l’Institut est son rayonnement international : nous sommes sollicités pour créer des consultations sur le modèle de l’Institut dans différents pays. Dans les mois, les années qui viennent, il nous faudra accompagner l’ouverture et le lancement de ces nouveaux centres.
Ces projets nous poussent à réfléchir à ce que nous sommes, ce qui fait le noyau de l’Institut, pour construire l’avenir sur des bases solides. Le dévouement dans l’accueil des patients tels qu’ils sont, l’intérêt pour la recherche, le désir d’offrir les meilleurs soins aux patients aujourd’hui et demain, l’unité de l’équipe : là réside pour moi l’esprit de l’Institut, qui perdure depuis plus de vingt ans.
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