Dans le cadre du 20 e anniversaire de la Fondation Jérôme Lejeune et dans le prolongement de l’exposition « Jérôme Lejeune, une découverte pour la vie ”, la Fondation présente à Lyon la nouvelle pièce de Fabrice Hadjadj. “ Jeanne et les post-humains ou le sexe de l’ange ” pose la question de la valeur de la vie dans une société tout-technologique. Rencontre avec l’auteur.
Fondation Jérôme Lejeune : Vous êtes l’auteur de « Jeanne et les Post-humains », une pièce de théâtre sur le transhumanisme. Est-ce du théâtre de science-fiction ?
Fabrice Hadjadj : Le propre de notre époque est l’abolition des frontières entre le réalisme et la science-fiction.
Le genre futuriste est même devenu ringard, archaïque, en comparaison de ce qui se trame réellement et que nous avons du mal à concevoir. Dans cette pièce, je n’ai presque rien inventé. Je n’ai fait que pousser le curseur d’un cran, avec une cruauté que j’espère à la fois révélatrice et jubilatoire.
FJL : Cette problématique du transhumanisme conduit à réfléchir sur le sens de l’homme face à la science. Elle a été au cœur de la vie de Jérôme Lejeune. Sa réflexion vous a-t-elle inspiré pour la rédaction de la pièce ?
FH : J’ai été marqué par le texte de » L’enceinte concentrationnaire » et cette affaire qui eut lieu, comme par hasard, dans le Maryland : le pays de Marie. Il y a là de quoi écrire une tragédie et plus encore. Car il me semble que ce vers quoi tend l’actuelle emprise technologique, c’est une Contre-Annonciation et une Désincarnation.
Le produit de la biogénétique doit se substituer au fruit des entrailles, et la chair faite bits, au Verbe fait chair. In vitro veritas, disait Philippe Muray, qu’il s’agisse du verre de l’éprouvette ou de la vitre de l’écran.
FJL : Quel est le lien entre l’eugénisme et le transhumanisme ?
FH : C’est le biologiste Julian Huxley, premier directeur général de l’UNESCO, qui a remplacé un terme par l’autre. Il ne faisait plus bon défendre l’« eugénisme » après la chute du IIIe Reich. Mais Huxley, pour faire croire qu’il abandonnait la chose, s’est contenté de la poursuivre en lui donnant un autre nom, comme il convient quand on dirige une organisation internationale et qu’on est par conséquent aguerri à ce que l’on appelle à tort la « langue de bois » (car le bois est une matière admirable – celui de la Croix – mais alors comment dire ? Peut-être « langue de bits »…).
Cependant le transhumanisme va plus loin. Il ne s’agit plus seulement de sélectionner et d’améliorer les naissances, comme le mot « eugénisme » l’indique encore, mais de passer de la naissance à la pure et simple fabrication. Ray Kurzweil parle ainsi de la quête de supports non-biologiques.
Il rêve d’une immortalité sur disque dur. Ce qu’on peut lui souhaiter : il nous suffira d’appuyer sur le bouton » delete » pour nous débarrasser de sa crétinerie.
FJL : La pièce met en scène une vision de l’homme instrumentalisé par le relativisme technocratique. L’angoisse est-elle le seul avenir de l’homme du XXI e siècle ?
FH : Günther Anders disait que nous étions devenus des « analphabètes de l’angoisse ». Selon lui, après Hiroshima, l’angoisse qui devrait être notre lot est au-delà de nos capacités individuelles d’imagination et de sensibilité. C’est pourquoi, à la place d’une angoisse trop incommensurable pour être éprouvée, nous nous ruons vers le divertissement et la dérision. Mais l’apocalypse n’est pas que catastrophe. Elle est aussi et d’abord révélation. C’est aujourd’hui, à l’heure où ils sont en passe d’être détruits, que nous découvrons mieux le mystère du sexe, de la famille, et le fait que seul un Dieu fait chair peut nous sauver.
Théâtre
LYON : « Jeanne et les post-humains ou le sexe de l’ange » de Fabrice Hadjadj
Théâtre de la Solitude
29 chemin de Montauban,
Lyon 5 e
Dates : du 26 novembre au 30 novembre 2014
Pour réserver les places : www.weezevent.com/jeanne-et-les-post-humains