« L’argile est aux mains du santonnier ce qu’est l’homme dans les mains de Dieu » disait Frédéric Mistral. Dans une petite rue de la cité phocéenne se trouve depuis maintenant plus de 30 ans l’atelier d’un de ses artisans dont parlait le poète provençal, l’un de ces quelque 200 artisans que compte encore notre pays, celui de Didier Zaouche.
Après un bref passage dans les ateliers de Marcel Carbonnel, le jeune homme qu’il était à la fin des années 80 décide de se lancer dans le grand bain de cet artisanat emblématique de la Provence. N’étant pas sculpteur ou dessinateur de formation, ne maitrisant que la technique de cuisson des santons, il modèle la glaise, tâtonne, essaie et recommence. Il apprend seul dans son minuscule atelier, développant son activité au fil des ans. L’homme est aujourd’hui à la tête d’une petite entreprise de 6 salariés, « les santons Didier », et produit entre dix et quinze mille pièces par an, de plusieurs centaines de modèles différents.
La Fondation Jérôme Lejeune est entrée en contact avec Didier Zaouche au début de l’année 2021, afin de lui proposer un projet original : créer un santon présentant les traits d’une personne porteuse de trisomie 21. En effet, si bergers, musiciens, Lou Pistachié, chasseurs ou porteurs d’eau sont présents dans les crèches provençales depuis bien longtemps, personne n’avait encore pensé à y faire figurer une personne porteuse de handicap. Surpris par la nature de cette demande, le chef d’atelier est au départ sceptique sur la possibilité de donner au visage d’un santon (une partie de la pièce faisant moins d’1 cm de hauteur), les traits caractéristiques d’une personne porteuse de trisomie. « Je me suis au début dit que cela ne serait pas possible » explique-t-il. « Mais j’ai décidé de persévérer d’essayer tout de même, et de partir d’un modèle déjà existant afin de me faciliter la tâche. C’était un petit peu un défi ! ». Quelques semaines et essais plus tard, M. Zaouche présente un « prototype » à la Fondation, qui décide de lui commander plusieurs centaines d’exemplaires. L’artisan précise : « J’ai pensé à la belle-sœur de mon fils en réalisant ce projet, elle-même porteuse de trisomie 21. » Ce lien familial indirect a sans aucun doute donné un supplément d’âme au projet.
Après avoir sculpté ce premier modèle dans de l’argile fraîche, le santonnier coule ensuite du plâtre blanc de Paris autour, afin de réaliser une empreinte. C’est l’étape de la réalisation du « moule mère ». Il est réalisé en double exemplaire car ces pièces s’usent et perdent petit à petit une part de la finesse de leurs traits. Viens ensuite l’étape du moulage du santon de « série ». Les modèles d’argile « crus » sont alors cuits à 900 degrés durant environ 9h. Il ne restera alors plus qu’à les peindre à la main. C’est la partie la plus longue du processus, même si l’artisan précise que « les doigts les plus agiles peuvent en réaliser jusqu’à 6 en 1h ! ».
M. Zaouche créé régulièrement de nouveaux personnages et aime travailler sur des projets caritatifs. Il tient néanmoins à garder une certaine cohérence avec l’univers des crèches provençales : « pas trop d’excentricité dans les demandes particulières ! » ajoute-t-il. « Il faut que les personnages aient un rapport avec la Provence traditionnelle, la fête de Noël ou la culture chrétienne ».
En guise de conclusion, le santonnier ajoute : « plusieurs personnes à qui j’ai pu parler de ce projet ont été surprises de voir une personne trisomique prendre sa place dans ma collection. Elles font pourtant partie intégrante de notre société, il n’y a pas de raison qu’elles ne participent pas à une crèche provençale ! » Gageons que cette création unique participera, à son petit niveau et à la veille de Noël, à l’acceptation plus large de la personne handicapée dans la société !
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