La Fondation a fait mémoire, le 3 avril dernier, des 30 ans de la mort du Professeur Lejeune. Occasion de revenir sur une polémique infondée qui a entaché la réputation de celui qui n’avait d’autre ambition que d’améliorer la vie de ses patients.
Que s’est-il passé, en 1958, dans le service de l’hôpital Trousseau dirigé par le professeur Raymond Turpin ? Pour Marthe Gautier, qui revendique depuis quelques années la découverte, l’histoire est simple : « J’ai gagné mon pari, celui de réussir seule avec mes laborantines une technique et surtout de mettre en évidence une anomalie ». Pour attester la présence du 47e chromosome qu’elle aurait trouvé toute seule, Gautier « confie les lames à Jérôme Lejeune qui fait faire les photos ». Celui-ci, qu’elle présente comme un jeune stagiaire désoeuvré, conserve les clichés, part quatre mois aux États-Unis puis publie un article à son retour en France. « Je suis consciente de ce qui se dessine sournoisement » ajoute-t-elle dans un article publié en 2009, 15 ans après la mort de Jérôme Lejeune et 50 ans après les faits.
Or son récit, marqué d’incohérences, ne résiste pas à la confrontation avec les documents et témoignages d’époque. Lejeune n’est pas « stagiaire » mais déjà expert en radiations atomiques à l’ONU et repéré par les Américains comme le plus prometteur des généticiens français. Entre 1952 et 1957, il démontre, grâce à ses observations cliniques, que l’origine du mongolisme est chromosomique. Turpin l’avait suggéré 20 ans plus tôt, sans le démontrer. Lejeune signe une vingtaine d’articles scientifiques sur ce sujet, tandis que Gautier, jeune cardiologue, n’est pas encore dans le service. En revanche, quand elle arrive chez Turpin, elle rapporte des États-Unis une technique de culture de tissus qu’elle améliore avec Lejeune et qui permettra à ce dernier de prouver ses conclusions sur l’origine chromosomique du mongolisme.
Dans son Carnet de laboratoire, Lejeune indique à la date du 22 mai 1958 qu’il décompte pour la première fois 47 chromosomes. Puis il part quatre mois aux États-Unis donner des cours de génétique, période pendant laquelle Gautier ne compte toujours que 46 chromosomes, comme l’atteste un courrier du Pr Turpin. A son retour, il identifie deux nouveaux caryotypes à 47 chromosomes. Ce sont ces trois caryotypes qui vont permettre la publication du 26 janvier 1959 à l’Académie des Sciences, sous les signatures Lejeune, Gautier, Turpin. Cette triple signature, habituelle dans le milieu de la recherche, indique que le premier est découvreur, le second contributeur et le dernier patron de l’équipe.
Si Lejeune n’est qu’un stagiaire, pourquoi Gautier ne rédige-t-elle pas la publication pendant son absence ? Elle affirme qu’elle ne pouvait pas publier sans la photo du premier caryotype, mais la publication princeps ne comporte aucune photo… Et pourquoi n’a-t-elle pas refait de photos et ne parvient-elle pas à observer 47 chromosomes en l’absence de Lejeune ? Pourquoi faut-il attendre le retour de Lejeune pour y parvenir ?
En conclusion
Il ne fait aucun doute que l’acteur principal de la découverte est Lejeune. Il n’y a pas d’usurpation puisque les trois personnes qui y ont participé signent la publication et que Lejeune remercie toujours Turpin et Gautier pour leur contribution. Lejeune demeure le père de la génétique moderne et une personnalité visionnaire pour des milliers de patients. Les médias relaient quant à eux cette accusation de spoliation au mépris de toute démarche historique. Cette polémique n’est-elle pas simplement un prétexte pour décrédibiliser la figure d’un grand défenseur de la vie – et à travers elle la Fondation Jérôme Lejeune ?
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Vu dans la presse
« Jérôme Lejeune et la trisomie 21 : une paternité qui n’est plus contestable »
« Trente ans après sa mort, les biographes du célèbre généticien présentent de nouvelles pièces d’archive attestant le rôle majeur joué par le Pr Lejeune dans la découverte de la maladie, malgré des polémiques récentes. (…) Il n’est pas exagéré de supposer que la controverse sur la découverte de la trisomie 21 doit aussi beaucoup aux antagonismes éthiques ou idéologiques entre Marthe Gautier et Jérôme Lejeune. (…) [Pour] l’historien et archiviste Bruno Galland, directeur des archives du Rhône et professeur à la Sorbonne, qui a trié les archives de Jérôme Lejeune après sa mort, «les carnets du Pr Lejeune, et la correspondance privée qu’il entretenait avec son épouse Birthe Lejeune, montrent clairement le rôle primordial qu’il a joué. » »
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