Bioéthique. Chaque semaine, Jean-Marie Le Méné, président de la Fondation Jérôme Lejeune, analyse pour Valeurs actuelles l’actualité du transhumanisme.
Que mon aimable lectorat ne soit pas surpris : je vais défendre le Dr Laurent Alexandre. Il n’a pas besoin de moi pour cela, mais la défense des causes difficiles est une excellente hygiène et je ne suis pas suspect de connivence. L’intéressé a publié une tribune dans laquelle il préconise d’aider les femmes « douées » (c’est son terme) à augmenter leur nombre d’enfants par rapport aux femmes moins douées qui sont généralement plus fécondes. Il s’agit, selon lui, d’enrayer la chute des capacités cognitives de l’Occident face aux performances intellectuelles des pays asiatiques. Conscient qu’il aborde un sujet tabou, celui de la corrélation entre le QI, la génétique et l’éventualité d’une politique nataliste, Laurent Alexandre s’est payé un « retour de manivelle » inutilement brutal.
L’eugénisme, loin d’être un risque dont il faudrait redouter le retour, est une réalité en France
Les cris d’orfraie sont exagérés. Des femmes auraient été blessées d’avoir été qualifiées de moins douées ? Certes, l’adjectif est particulièrement mal choisi mais on comprend qu’il désigne, en langage scientifique et non pas littéraire, les femmes qui ont fait le choix d’arrêter leurs études plus tôt ou qui ont privilégié leur famille à leur carrière. Personne ne songe à le leur reprocher pas plus que leur taux de fécondité plus élevé, nul n’imaginant qu’au 21ème siècle tous les enfants n’ont pas été désirés.
Le reproche principal concerne l’opportunité d’organiser une discrimination sur le critère de l’intelligence. Laurent Alexandre veut rassurer le lecteur en écrivant « qu’il n’y a heureusement plus d’élimination des individus qui ont de moins bonnes capacités cognitives ». Mais sa formulation justificative produit l’effet inverse, elle inquiète, ce qui est logique. Pourtant il sait, il l’a affirmé par ailleurs, que l’eugénisme, loin d’être un risque dont il faudrait redouter le retour, est une réalité en France. Il existe bien une élimination en masse des individus qui ont de moins bonnes capacités cognitives. C’est l’avortement, dans la proportion de 96 %, des enfants que la génétique désigne comme trisomiques avant la naissance. Paradoxalement, le rappel de cet « ordre établi », performant, médical et démocratique, aurait été de nature à calmer l’inquiétude de nos contemporains : pas de panique, l’eugénisme se pratique déjà et aucune autorité politique ni morale n’y trouve à redire.
Eugénisme “positif”
Justement, à ce propos, le Dr Alexandre propose un « progrès » majeur qui consiste à passer d’un eugénisme négatif qui élimine les moins aptes à un eugénisme positif qui favorise la naissance des plus aptes. En appelant la Sécurité sociale à rembourser à 100 % la congélation d’ovules chez les femmes les plus douées, comme le font déjà les GAFA, il préconise un système qui inclut évidemment le contrôle génétique des gamètes mis en banque afin d’éviter de mauvaises surprises lors de la procréation médicalement assistée ultérieure. Dorénavant, l’entrée des jeunes femmes de 18 ans dans la vie active commencera par le bac, le permis de conduire et le prélèvement d’ovules afin d’envisager une grossesse planifiée, sélectionnée et intelligente.
Et c’est ainsi que le transhumanisme est grand.