Les chimères : les embryons homme-animal

Les chimères
Au 5 février 2020 - En 1ère lecture, l’Assemblée nationale a adopté l’article 17 du projet de loi bioéthique qui rendait possible la création de chimères animal-homme. Elle a également autorisé le transfert de l’embryon chimérique chez la femelle. La commission spéciale du Sénat a interdit la création d’embryons chimériques animal-homme à partir de CSEh ; en autorisant uniquement l’insertion de cellules iPs dans l’embryon animal. Consciente des risques soulevés par le Conseil d’Etat, elle a limité le pourcentage des cellules humaines à injecter et a interdit la naissance d’animaux chimériques. Souhaitant conserver l’interdit actuel de créer des embryons chimériques, les sénateurs en séance, ont supprimé l’article 17 du projet de loi.
Au 31 juillet 2020 – En 2ème lecture, l’Assemblée nationale, favorable à la création de chimères animal-homme, a réintégré l’article 17 dans le projet de loi.
Une chimère est un « organisme constitué de deux ou plus rarement de plusieurs variétés de cellules ayant des origines génétiques différentes » (Larousse médical, édition 2012). Il peut être question d’embryons chimères homme-animal, c’est à dire d’embryons humains dans lesquels sont injectées des cellules souches animales, ou l’inverse, d’embryons chimères animal-homme, c’est-à-dire d’embryons animaux dans lesquels sont insérées des cellules souches humaines.
L’article L 2151-2 du code de la santé publique interdit la création d’embryons chimériques. L’interdit étant général, on peut considérer que les chimères animal-homme sont interdites au même titre que les chimères homme-animal.
L’article 17 du projet de loi, dans sa version initiale, rendait possible la création de chimères animal-homme à partir de cellules souches embryonnaires humaines (CSEh) ou de cellules souches pluripotentes induites (cellules iPS).
Cette expérimentation vise à vérifier la pluripotence de ces cellules souches, afin de constituer un test de référence. De manière plus lointaine, les chercheurs envisagent de créer des animaux qui seraient dotés d’un organe humain. Il s’agirait de pallier le manque de dons d’organes en permettant des xénogreffes. Cela serait rendu possible « par l’inactivation, dans un embryon animal, de certains gènes responsables du développement d’un organe ciblé, auxquels viendraient se substituer des cellules humaines pluripotentes (cellules souches embryonnaires ou iPS) ».
Même si ce projet semble intéressant, les essais expérimentaux ne sont pas encourageants.
La création de chimère animal-homme soulève toutefois des problématiques éthiques.
A ce titre, le Conseil d’Etat a identifié trois risques principaux :
- « le risque de susciter une nouvelle zoonose (ie. une infection ou infestation qui se transmet naturellement des animaux vertébrés à l’homme et vice‐versa) ;
- le risque de représentation humaine chez l’animal (si ce dernier acquérait des aspects visibles ou des attributs propres à l’humain) ;
- le risque de conscience humaine chez l’animal (si l’injection de cellules pluripotentes humaines produisait des résultats collatéraux induisant des modifications chez l’animal dans le sens d’une conscience ayant des caractéristiques humaines )».
Sur ce dernier point, des scientifiques ont identifié un risque de migration des cellules humaines vers le cerveau de l’animal. Pour autant, le risque de conscience humaine chez l’animal, identifié par le Conseil d’Etat, est toutefois hypothétique et ce d’autant plus que la conscience humaine ne se réduit pas à des réactions biochimiques. Elle est d’une autre nature. On constate néanmoins que la création d’embryons chimériques animal-homme brouille la frontière entre les espèces. La prudence est donc de mise.
Au regard des risques sanitaires, des risques de conscience et de représentation humaines chez l’animal, la prochaine loi de bioéthique doit donc interdire expressément les chimères animal-homme, au même titre que les chimères homme-animal.