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Discours de Jean-François Mattéi, ancien ministre de la santé, lors la remise du premier Prix Jérôme Lejeune en 2004.

Evénement
22 Juil 2014 Discours de Jean-François Mattéi, ancien ministre de la santé, lors la remise du premier Prix Jérôme Lejeune en 2004.

« Jérôme Lejeune était un visionnaire »

Mattei
Jean-François Mattei lors de la remise du prix Jérôme Lejeune au Pr Antonarakis

 

Discours de Jean-François Mattéi, ancien ministre de la santé, les 8 et 9 novembre 2004
à l’occasion de la remise du 1er Prix Jérôme Lejeune
au cours des 1ères Journées internationales Jérôme Lejeune

Mon émotion, et ma reconnaissance.

Ma reconnaissance tout d’abord, car l’occasion n’est pas toujours donné de pouvoir dire l’admiration et la gratitude pour un maître pour qui on doit tant. Emotion aussi car cette cérémonie nous conduit à assumer tout à la fois notre fidélité au passé et notre confiance dans l’avenir.

En premier lieu la fidélité au passé : c’est une fierté pour moi d’avoir été élève de Jérôme Lejeune. L’interne marseillais que j’étais, c’était vu confié par Francis Giraud, la mission d’organiser et de développer la génèthique médicale à Marseille. « Tu iras apprendre les chromosomes chez Lejeune» avait été son conseil, et naturellement il coulait d’évidence.

J’ai donc suivi en 1971 et 1972 les cours donnés à l’Institut de Progenèse. J’ai eu une chance inouïe car je découvrais les chromosomes dans cette  période magique où ils se différenciaient enfin les uns les autres par un marquage propre à chacun. Ils n’étaient plus ces petits bâtonnets uniformément gris que l’on classait par rang de taille et par la position de leur étranglement.

J’ai découvert ainsi  au fil des semaines avec toute son équipe, le monde de la pathologie chromosomique et le regard si particulier porté sur les enfants trisomiques 21. Mais par la suite des liens réguliers furent conservés. D’abord parce que ma propre épouse, Marie-Geneviève Mattei, a aussi bénéficié quelques années plus tard, de cet enseignement indispensable pour qui voulait se consacrer totalement aux diagnostics et la recherche sur les anomalies chromosomiques. Mais aussi parce que je venais une fois par an parle avec lui des questions du moment et de l’évolution de la génétique. Deux questions le taraudaient : elles étaient d’ailleurs liées. La première, évidente, venait de la constatation que le handicap majeur dont souffrait les personnes atteintes de trisomie était le handicap mental.

Une démarche de médecin  Pour pouvoir comprendre et soigner, il se plongea dans des travaux personnels sur les mécanismes de l’intelligence. Le seul énoncé de cette recherche paraissait alors complètement irréaliste pour ne pas dire franchement déraisonnable.

Un jour, lors d’une de mes visites, je le trouvais en partie caché derrière un monceau de pièces de couleurs ressemblant à un grand jeu de lego. Son bureau était envahi par ces représentations d’adénines, de thymine, de guanine, de cytosine que l’on pouvait accrocher les unes aux autres pour dessiner des molécules.

Son regard, inoubliable, se porta sur moi avec un sourire. Il m’expliqua. La structure de l’acétine Coline, celle d’autres médiateurs ou encore des synapses. Déjà il tentait d’exprimer sa vision intérieure qu’il voulait parvenir à démontrer. Car Jérôme Lejeune était un visionnaire. Il ne fut malheureusement pas toujours compris dans cette partie de sa vie.

La deuxième question qui le taraudait était toute aussi évidente. Mais douloureuse. Avec l’arrivée et la banalisation du diagnostic prénatal, il pressentait bien qu’une course était engagée. D’un côté l’élimination des enfants à naître porteur de la trisomie 21. Et de l’autre la recherche ouvrant la voie à la thérapeutique. Il voulait éviter que la première solution ne s’impose dans sa facilité. Avec énergie il s’opposait à cette simplification et jetait toutes ces forces pour percer les mystères de l’intelligence et justifier la démarche thérapeutique.

C’est cette fidélité au passé que j’ai voulu rappeler.

Mais je voudrais aussi parler de la confiance dans l’avenir.

Je suis convaincu que la problématique reste la même aujourd’hui. L’homme ne se grandit jamais en acceptant la facilité, et la vocation de la médecine reste d’abord de soigner.

Jérôme Lejeune avait ces convictions chevillées à l’âme. C’est pour cela qu’il faut garder le cap de la confiance qui était la sienne même quand tout semblait se dérober et continuait de témoigner par l’action. C’est la tâche de l’Institut Jérôme Lejeune, agréé par le Ministère de la Santé, et je suis heureux d’avoir pu apporter mon soutien.

C’est aussi aujourd’hui par cette magnifique réunion, un premier message qui est délivré sur les maladies génétiques de l’intelligence, de la biologie moléculaire aux traitements, des richesses des communications, les qualités des participants sont une source de confiance renouvelée. Il faut faire confiance à l’homme, il faut garder foi en l’homme.

Comme l’indique le président de ces journées dans son mot de bienvenu. A l’issue de la manifestation, le prix scientifique international Jérôme Lejeune doit être remis. Un montant de 30 000 euros ; il est destiné à récompenser un scientifique qui aura contribué au progrès dans la compréhension, le traitement des maladies génétiques de l’intelligence. Et c’est à moi qu’appartient ce privilège.

Ce prix va donc récompenser un scientifique de renom, qui a récemment publié un très beau travail, sur le chromosome 21 et la trisomie, du génome à la  physiopathologie.

Ses travaux font l’objet de publications originales et internationales, qui démontrent clairement la justesse des hypothèses soulevées et soulignent combien cette thématique de recherche est prometteuse. Nous avons désormais les bases nécessaires pour l’analyse moléculaire de la trisomie 21. La trisomie 21 est un modèle pour étudier les déséquilibres dans l’expression génétique.

Mais ce chercheur vous expliquera dans un instant cela beaucoup mieux que moi, comme il l’a fait en présidant ces journées. En effet le prix scientifique international Jérôme Lejeune est décerné au professeur Stylianos Antonarakis. Et je serai heureux de lui remettre en votre nom à tous, quand le professeur Michel Vekemans aura expliqué les raisons du choix de ce jury.

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