Jean-Marie Schmitz et Jean-Marie Le Méné
Jean-Marie Schmitz et Jean-Marie Le Méné
Jean-Marie Schmitz, vous venez d’accepter de présider le Conseil d’Administration de l’Institut Jérôme Lejeune. Pourquoi avez-vous accepté cette mission ? En quoi consiste-t-elle ?
Jean-Marie Schmitz : Je l’ai acceptée d’abord parce que Jean-Marie Le Méné, qui est un ami de longue date, me l’a demandé. Ensuite parce que j’ai eu la chance de connaître Jérôme Lejeune, en 1974, alors qu’il était l’âme de la résistance à la légalisation de l’avortement. Je l’ai aidé à créer “les Juristes pour le respect de la vie” qui rassemblait les plus grands noms des facultés de droit, de la magistrature et du barreau.
Enfin, parce que si l’on veut promouvoir la “Civilisation de l’Amour” que Jean Paul II a fixée comme objectif à tous les hommes de bonne volonté, il est nécessaire d’apporter aux personnes touchées par une maladie de l’intelligence et à leur famille l’aide dont ils ont besoin, et de tout mettre en œuvre pour qu’un jour cette maladie soit vaincue. Telle que je l’ai comprise, ma mission consiste à prolonger le remarquable travail de mon prédécesseur Antoine de Rochefort pour consolider la position de l’Institut Jérôme Lejeune dans le monde médical et scientifique, à tirer pleinement parti de son adossement à l’Hôpital Saint-Joseph, et à développer toutes les synergies possibles avec la Fondation Jérôme Lejeune pour rendre plus efficaces les programmes de recherche sur les maladies de l’intelligence.
Mon expérience professionnelle est celle d’un homme d’entreprise. J’ai appris à faire travailler ensemble des gens de diverses disciplines, à leur faire découvrir la joie et le sens du travail en équipe, au service d’objectifs partagés. Avec le concours du directeur général de l’Institut Jérôme Lejeune, Dominique Neckebroeck, c’est ce que je peux apporter et, je crois, ce que l’on attend de moi.
Comment l’Institut se situe-t-il par rapport à la Fondation ?
J.-M. S. : L’Institut Jérôme Lejeune a trois missions essentielles : La première est le suivi thérapeutique, psychologique et social des patients, sous la direction du Dr Aimé Ravel, chef du service de consultations. L’Institut reçoit chaque année 2 000 patients environ (3 600 consultations) dans des domaines différents (pédiatrie, neurologie, gériatrie, psychologie, orthophonie..) pour une prise en charge globale des patients, en offrant dans chaque discipline une compétence de haut niveau.
La seconde est la formation des personnels médicaux et paramédicaux spécialisés, des familles pour leur apporter aide et conseil, et celle des acteurs de la société civile (entreprises, éducation nationale) pour faciliter l’insertion sociale des patients.
La troisième est de conduire des recherches à visée thérapeutique, que le Pr Franck Sturtz classe selon trois axes :
1) La recherche thérapeutique directe, ayant pour but une amélioration significative du Q.I. et/ou des secteurs de comportement (langage, communication, insertion sociale…) des patients.
2) La recherche “nosologique”, pour mieux connaître la maladie, les malades et leurs besoins.
3) La recherche plus fondamentale, à orientation thérapeutique pour découvrir des molécules actives.
Jean-Marie Le Méné : à la mort du Pr Jérôme Lejeune, un grand nombre de familles concernées par le handicap mental et suivies par lui à l’hôpital Necker se sont écriées : “mais qui va s’occuper de nous désormais ? ”. C’est à ce cri de détresse – toujours plus d’actualité en ces temps d’eugénisme – que nous avons répondu en créant la Fondation en 1996, puis l’Institut en 1998.
L’Institut est le principal opérateur voulu par la Fondation pour poursuivre l’œuvre scientifique et médicale de Jérôme Lejeune auprès des patients qu’il ambitionnait de soigner, de traiter et de guérir. L’Institut se caractérise par son expertise diagnostique, riche des cinquante années de consultation et de publications de l’équipe de Jérôme Lejeune, et son obstination thérapeutique qui est sa raison d’être. La Fondation est là bien sûr pour garantir la fidélité de l’Institut à sa vocation mais surtout pour lui donner tous les moyens de se développer. Elle est en effet son principal financeur et elle en est fière.
Quelles sont les complémentarités entre l’Institut et la Fondation dans le domaine de la recherche ?
J.-M. S. : L’Institut dispose d’un double capital unique : celui de son expérience clinique propre accumulée maintenant depuis plus de quinze ans, et celui du nombre de ses patients qui acceptent de participer à certains des programmes de recherche, soumis au Conseil Scientifique.
Il peut aussi être le vecteur et le lieu d’un dialogue fructueux entre cliniciens et chercheurs, et identifier des sujets de thèse en médecine et en sciences méritant d’être soutenus financièrement.
C’est ce qu’il est à même d’apporter à la Fondation Jérôme Lejeune dans sa tâche essentielle d’animation, à travers le monde, de la recherche sur les maladies génétiques de l’intelligence.
J.-M. L.M. : Oui, le trésor de la consultation, ce sont ses patients. Et il faut souligner que leur nombre ne cesse d’augmenter, ce qui est à la fois bon signe mais aussi l’indice que notre responsabilité s’alourdit.
En effet, nous n’avons pas le droit de décevoir ces familles qui ont placé leur espoir dans le service rendu par l’Institut.
C’est pourquoi, non seulement l’accueil, le diagnostic, le conseil, le suivi doivent être maintenus à leur plus haut niveau, mais nous avons aussi le devoir d’anticiper l’attente des familles qui souhaitent que les choses bougent ! Et cela passe par la mise en œuvre de programmes de recherche clinique comportant des inclusions de patients, évoquée par Jean-Marie Schmitz.
Quels sont les principaux projets de l’Institut concernant la recherche ?
J.-M. S. : Les priorités pour les recherches cliniques sont le traitement des apnées obstructives du sommeil chez les adultes et les adultes vieillissants, et l’utilisation de logiciels informatiques pour améliorer stratégie visuelle et suivi oculaire, et apprentissage de la lecture, du graphisme et de l’écriture. Pour ce qui concerne la recherche thérapeutique, nous avons décidé, à la fin du mois de juillet, d’engager une étude validée par le Conseil Scientifique qui concerne les effets de l’acide folique et d’une hormone thyroïdienne sur les capacités cognitives des bébés trisomiques. Ce projet ACTHYF, conduit par le Dr Clotilde Mircher, va se dérouler sur quatre à cinq années. Il constitue l’une de nos espérances.
J.-M. L.M. : L’Institut est la prunelle des yeux de la Fondation Jérôme Lejeune. Nous avons une entière confiance dans son personnel et l’avis des cliniciens qui côtoient les familles au quotidien est précieux. Jamais nous ne refuserons un centime à un projet qui va dans le sens de l’amélioration de la santé des patients, validé par le Conseil Scientifique, comme c’est le cas par exemple du projet ACTHYF. Au contraire, ces projets, nous les sollicitons. Ce qui est le plus difficile, c’est d’avoir une vision stratégique à moyen et long terme, de prioriser des objectifs de recherche en cohérence avec ceux, plus fondamentaux, de la Fondation, de rechercher des collaborations à l’extérieur – car nous n’avons pas la science infuse – et d’arbitrer. Mais l’amitié des deux Présidents comme celle qui unit bon nombre de membres de l’Institut et de la Fondation est le chemin de notre ambition.