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Entretien avec Fabrice Hadjadj et le Dr Patrick Leblanc

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01 Fév 2016 Entretien avec Fabrice Hadjadj et le Dr Patrick Leblanc

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LES ENFANTS TRISOMIQUES : PREMIÈRES VICTIMES DU TRANSHUMANISME

À l’occasion de la sortie du nouveau livre de Jeanmare Le Méné, “les premières victimes du transhumanisme”, deux spécialistes, Fabrice Hadjadj, philosophe, directeur de l’institut Philanthropos, et Patrick Leblanc, gynécologue, responsable du Comité pour sauver la médecine prénatale, témoignent de la force et de l’utilité de ce nouvel ouvrage.

La Fondation n’a jamais baissé les bras pour s’opposer à l’élimination en masse des enfants trisomiques. Sans relâche elle veut réveiller les consciences face à ce scandale. Qu’est-ce que peut apporter ce livre, alors qu’un nouveau type de test de détection prénatale va arriver sur le marché français en 2016 ?

Fabrice Hadjadj : Ce qui fait, à mon avis, l’intérêt remarquable de ce petit ouvrage, c’est qu’il montre très bien que nous ne sommes pas simplement face à des volontés perverses, mais devant un dispositif extrêmement cohérent, qui unit le commercial et le compassionnel à travers le culte de l’innovation technologique, cette dernière apparaissant à la fois comme le salut de l’humanité et le profit de la multinationale. Il s’inscrit par là tout à fait dans la ligne de l’encyclique Laudato si’.
La destruction systématique des personnes trisomiques est le massacre des innocents à l’âge techno-libéral.

Patrick Leblanc : Le livre de Jean-Marie Le Méné conforte malheureusement nos craintes car, au terme d’une véritable enquête policière très bien documentée, il détaille le lobbying et la course effrénée de la firme Séquenom1 (firme américaine en pointe dans la fabrication d’un nouveau test de détection prénatale de la trisomie 21 [nouvelle technique à partir d’une prise de sang de la mère]: MaterniT21) dans sa convoitise d’un marché aux retombées financières colossales.
Depuis 2009, le Comité pour sauver la médecine prénatale ne cesse d’alerter sur le danger représenté par les tests sanguins précoces. Nous le dénonçons comme le prochain scandale sanitaire français. Nous, professionnels de la grossesse, médecins généralistes, sages femmes et gynécologues obstétriciens devons prendre conscience que la banalisation des tests ne va pas dans le sens d’une médecine de soins – médecine dont nous prétendons être fiers en France – mais dans son reniement avec l’éradication pour des intérêts financiers et dont nous sommes les acteurs essentiels.

Qu’avez-vous appris dans ce livre ? Une partie vous a-t-elle particulièrement marqué ?

FH : Il est difficile de s’arrêter à une partie d’un livre aussi fluide, qui se déroule comme une enquête policière : ce qui précède renvoie à la suite, et les rebondissements dépassent la fiction. Je retiendrai cependant deux choses : le thriller politico-financier autour de cette société Sequenom, qui commercialise déjà ses nouveaux tests dits « non invasifs » en France, alors qu’elle fit l’objet des plus grands scandales aux États-Unis ; et ce que Jean-Marie Le Méné appelle le « syndrome de Stockholm des handicapés », où l’on voit que la mentalité transhumaniste nous contamine tous, même ceux qui en sont les premières victimes.

PL : Un point important a retenu mon attention. Un des spécialistes du dépistage prénatal, actuellement en charge d’une étude sur les tests sanguins précoces, était à la fois conseiller de la firme Séquenom et membre de l’Agence de la Biomédecine. Ceci est choquant.

En conclusion, les enfants trisomiques sont les « premières victimes du transhumanisme » : comment résister ? Que faire face à cette progression du transhumanisme ?

PL : La banalisation du dépistage en France avec sa conséquence, l’anesthésie des consciences, est le terreau idéal pour le développement du test sanguin précoce. La rapidité d’obtention du résultat autorise la pratique de l’interruption de grossesse avant le délai des 14 semaines d’aménorrhée, celui de l’IVG, sans solliciter l’accord préalable des médecins experts des centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal.
Je vois un seul frein possible qui serait d’imposer au laboratoire d’investir une partie significative de ses bénéfices dans la recherche thérapeutique et dans la prise en charge du handicap. La solution est bien politique. Nos représentants en auront-ils le courage ?

FH : On ne pourra plus se contenter de donner des leçons de morale individuelle : il faut attaquer le « paradigme technoéconomique », pour reprendre une expression décisive du pape François, et critiquer radicalement le culte de l’innovation, qui est en vérité celui de l’obsolescence programmée et du renouveau interdit.
Avec le diagnostic prénatal, nous avons cru faire le bien, et nous avons ouvert la boîte de Pandore, car alors nous sommes passés de la maïeutique au Meccano, du dynamisme de la naissance à la logistique de la fabrication. Or, quand on est dans la fabrication, c’est la morale du fabricant elle-même qui vous oblige à faire un produit sans défaut.

Extrait d’un échange publié dans la lettre de la Fonation (Janvier 2016).

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