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Euthanasie : solitude moderne

Bioéthique
22 Sep 2014 Euthanasie : solitude moderne

BeatriceLe docteur Béatrix Paillot est praticien hospitalier en Ile-de-France. Gériatre depuis une quinzaine d’années, expérimentée dans l’accompagnement des personnes âgées en fin de vie et de leur famille, elle fait partie du comité d’experts du Manuel Euthanasie. Elle revient sur les questions soulevées par le problème de l’euthanasie et les clés pour commencer à y donner une réponse.

FJL : Le recours à l’euthanasie apparaît pour beaucoup naturel : quelles en sont les raisons ?

Docteur Béatrix Paillot : La demande d’euthanasie par les malades est le résultat de diverses peurs. La première est de souffrir. La seconde, d’être abandonné. La troisième, d’avoir une vie dénuée de sens du fait de ses limites. On pourrait citer aussi la peur d’être un poids pour la société. Ces peurs sont les principaux moteurs d’un désir de mort. Pensant qu’il n’y a pas d’autres moyens d’y remédier, nos contemporains sont tentés d’éliminer les personnes malades, handicapées ou en fin de vie.

Est-ce possible de soulager autrement ces peurs ? Que faire par exemple contre l’acharnement thérapeutique ?

Docteur Béatrix Paillot : Dans l’acharnement thérapeutique, on s’obstine de manière déraisonnable à sauver un malade tandis que les chances d’y parvenir sont devenues infimes.

Pour parvenir à une guérison utopique, on fait supporter au malade des investigations ou des traitements pénibles qui ont peu de chance de lui apporter un bénéfice réel et qui le feront souffrir inutilement. Pendant ce temps, on ne se préoccupe pas assez de soulager ses souffrances physiques ou morales, d’être à ses côtés, de répondre à ses questions, de favoriser des relations de qualité avec son entourage, de l’aider à trouver un nouveau sens à sa vie. Si la réanimation est légitime dans bon nombre de cas, dans certains autres elle ne l’est plus.

Un discernement doit être opéré par l’équipe soignante de telle manière que les soins proposés restent toujours proportionnés à l’état global de la personne, en fonction non seulement de son espérance de vie et de son état physiologique, mais aussi de ses besoins fondamentaux et de ce qui compte à ses yeux.

Même proportionnés, les soins n’évacuent pas la question de la douleur. Comment surmonter celle-ci et la peur qu’elle engendre ?

Docteur Béatrix Paillot : Aujourd’hui la médecine a les capacités techniques de remédier à la majorité des douleurs physiques avec des thérapeutiques simples. On ne meurt plus dans de grandes souffrances physiques comme il y a 50 ans. Un moyen d’éviter la peur engendrée par la douleur physique est de la soulager systématiquement avant qu’elle n’apparaisse. C’est ce que font la plupart des équipes soignantes. Mais certaines nécessitent d’être mieux formées dans ce domaine. En cas de difficultés, il est toujours possible de faire appel à un centre antidouleur.

Le problème de la souffrance est plus large : il y a la souffrance morale du malade et aussi la souffrance de l’entourage. Que peut-on faire ?

On soulage la souffrance morale par une présence amicale, par une compréhension de l’épreuve de l’autre et en lui montrant qu’il garde toujours la possibilité de faire du bien à ses proches : un sourire, une attention, une amitié. Le malade ne fait pas que recevoir des soins : à sa façon, il peut en donner à son tour. Il trouve ainsi sens à sa vie et manifeste sa dignité humaine intrinsèque.

On aide un entourage à mieux vivre ce qui se passe en prenant le temps de l’écouter, de lui expliquer la situation, de répondre à ses questions, et en l’aidant à construire une relation vraie et de qualité avec son parent souffrant.

Ce peut être l’occasion de se recentrer sur le principal. Je pense à un malade âgé et cancéreux qui disait de la souffrance : « Cela épure la personnalité. Cela fait revenir aux événements importants du passé, à l’essentiel. Oui, il y a un côté positif dans la souffrance, dans l’attente de la mort ».

Ne pas « voler » la mort d’un malade en la précipitant permet d’ouvrir dans le cœur de chacun des chemins de vie inattendus.

Ces solutions apportées n’enlèvent pourtant pas le problème de la dignité, du sens de la vie de la personne en fin de vie ou malade.

Docteur Béatrix Paillot : Bien sûr. Et cette question est au centre du débat sur l’euthanasie. Comment, alors que je suis malade, handicapé et/ou dépendant puis-je encore trouver du sens à ma vie ? Comment puis-je garder ma dignité dans des conditions pareilles ? A vrai dire, ce sont surtout des questions que se posent les bien-portants qui appréhendent la fin de leur vie. Mais on la rencontre aussi chez des personnes souffrantes qui ont peur de l’avenir. Je pense à une femme très handicapée qui disait : « plus tard, je demanderai l’euthanasie ». Essayant d’entrer quelques instants dans sa logique, je me disais : « Pourquoi ne la demande-t-elle pas maintenant ? ».

Son handicap était tellement sévère qu’elle ne pouvait plus rien faire. Pourtant malgré tout, sa vie gardait du sens à ses yeux et elle ne voulait pas mourir maintenant.

Souvent, c’est le regard des bien-portants sur les malades qui les poussent à demander la mort. Si notre regard s’arrête sur ce que la personne n’est plus, on attise en elle le désir de mourir. A l’inverse, si notre regard cherche en elle ce qui demeure, on suscite dans la personne le désir de vivre.

Vous insistez depuis tout à l’heure sur l’importance de remettre le malade au centre. Qu’en est-il de l’équipe médicale ? L’euthanasie a-t-elle un impact sur eux ?

Ce sont même, après les malades, les premières victimes de l’euthanasie !

Les équipes médicales ont une mission : servir et accompagner la vie. Or, accomplir un geste euthanasique c’est exactement l’inverse, c’est provoquer la mort. Si une législation dans ce sens passe, cela entraînera sans doute le départ de beaucoup de soignants qui ne se reconnaîtront plus dans leur métier. De plus, le personnel médical est laissé seul face à ce geste.

L’euthanasie est, à mon sens, fondamentalement un drame de la solitude. Solitude de la personne en fin de vie devant sa souffrance, solitude de la famille, solitude du personnel médical. Les solutions médicales pour soulager la douleur et administrer des soins proportionnels à l’état de la personne existent. Les soins palliatifs ne demandent qu’à être développés. C’est pourquoi je n’insisterai jamais assez sur la nécessité de se faire accompagner dans ces moments difficiles et de nombreuses aides existent.

Ne baissons pas les bras devant les questions de fin de vie, mais apprenons à les affronter ensemble.


 

EuthanasieManuelAprès le Manuel Bioéthique des Jeunes et le Manuel Théorie du Genre et SVT, la Fondation vient de publier un Manuel Euthanasie. Ce manuel sur l’euthanasie, rédigé par un comité d’experts, s’adresse aux jeunes et aussi aux éducateurs, formateurs, professeurs, parents et professionnels de la santé.

Pour commander vous pouvez envoyer votre demande (les manuels sont gratuits, mais les frais de port sont à votre charge.  N’hésitez cependant pas à participer en faisant un don) :

Fondation Jérôme Lejeune

37 rue des Volontaires

75725 Paris cedex 15

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