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JIJL 2011 : Intervention de Christel Prado : La place des personnes handicapées intellectuelles dans la société d’aujourd’hui

Recherche scientifique
30 Mar 2011 JIJL 2011 : Intervention de Christel Prado : La place des personnes handicapées intellectuelles dans la société d’aujourd’hui

La place des personnes handicapées intellectuelles dans la société d’aujourd’hui

Chrstel Prado

La place des personnes handicapées intellectuelles dans la société d’aujourd’hui

Remerciements

Je voudrais remercier la fondation Jérôme Lejeune d’avoir invité l’Unapei à intervenir lors des journées internationales. Le mot international revêt un sens particulièrement important quand il s’agit de parler de la place des personnes déficientes intellectuelles dans une société. Ce sont bien évidemment, et au-delà des capacités de la personne elle-même, les choix qui seront faits par une société pour cette catégorie de citoyen qui conditionneront leur place dans la société future. Et tous les pays ne font pas les mêmes choix.

Genèse du mouvement parental

L’Unapei a fêté ses 50 ans l’an passé. Elle a consacré cet anniversaire au thème de l’accessibilité parce qu’elle considère que nous devons passer en France de l’accès aux droits à l’application de ces droits pour les personnes pour en finir avec la transparence sociale qui conditionne le quotidien de 700 000 de nos concitoyens.

Si l’histoire de la fondation Jérôme Lejeune est intimement liée aux maladies chromosomiques et à la découverte de la Trisomie 21, l’histoire de l’Unapei commence avec la mobilisation de parents révoltés par le regard que pose la société française sur leurs enfants différents : ces enfants sont qualifiés d’incurables et d’inéducables. Partout en France, des familles se mobilisent pour créer des écoles dont leur enfant ne sera pas exclu. Les premières associations naissent (1947). Avec leurs propres deniers les parents embauchent des personnes qui croient comme eux aux capacités de ces enfants à besoins particuliers. Leur intelligence fonctionne différemment de celle des enfants ordinaires, plus lentement, beaucoup plus lentement parfois, mais tous croient que ces jeunes ont des capacités qu’il convient de valoriser. Les premiers IME sont créés. Le médico-social pointe son nez et les pouvoirs publics ne vont pas tarder à financer ces réussites. Petit à petit, au fur et à mesure de l’avancée en âge des enfants, les familles, devenues gestionnaires des moyens permettant aux jeunes déficients intellectuels d’apprendre et de mieux grandir, construisent d’autres projets correspondant à de nouveaux besoins : des lieux de travail, des foyers d’hébergement, des maisons de retraite …

Etat des lieux

Et aujourd’hui, où en est-on ? Même si la France vient de ratifier la convention des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées, les associations représentatives des personnes handicapées veillent, et notamment au sein du Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées, à l’application pleine et entière des dispositions de la loi du 11 février 2005 sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. La Conférence Nationale du Handicap qui aura lieu le 8 juin prochain permettra de dresser un état des lieux 6 ans après (des points d’étape sont prévus tous les 3 ans). Même s’il existe sur le fond des avancées indéniables, force est de constater une telle distorsion entre les ambitions politiques affichées et les moyens consentis que les associations représentants les personnes handicapées craignent des reculs quant à la place de la personne handicapée dans la société.

Le handicap mental

L’Unapei définit le handicap mental comme les conséquences sociales d’une déficience intellectuelle. Cette déficience intellectuelle atteint les personnes à divers degrés. Des handicaps autres peuvent être associés. Je veux préciser que lorsque je parle de personnes handicapées mentales, je parle aussi des personnes avec autisme qui présentent une déficience intellectuelle associée et des personnes polyhandicapées.

Nous allons évoquer ces conséquences sociales point par point (7) : l’éducation et la formation, l’emploi et la formation tout au long de la vie, l’habitat, la vie affective et sexuelle, l’accès à l’information, l’accès aux soins, la prise en compte du vieillissement précoce.

1- L’éducation et la formation

La loi du 11 février 2005 met un terme à la logique de filière et des 2 mondes séparés : le monde ordinaire et le milieu protégé. Elle consacre la logique de parcours, c’est-à-dire que, au-delà du fait que tout enfant doit être inscrit à l’école la plus proche de son domicile, quand cet enfant présente une déficience intellectuelle, ses besoins en accompagnement pour qu’il puisse effectuer la meilleure scolarité possible doivent être évalués et la Commission des Droits et de l’Autonomie des MDPH se prononce sur un Parcours Personnalisé de Scolarisation qui est un volet du plan global de Compensation dont doit bénéficier tout enfant handicapé.

Désolée, mais là s’arrête le rêve. En effet, même si le nombre d’enfants handicapés scolarisés en milieu ordinaire a largement augmenté, la qualité de cette scolarisation reste à désirer. L’Unapei se félicite de la décision du président de la République de confier au sénateur Paul Blanc une mission dont le rapport sera rendu le 15 mai prochain sur la qualité de cette scolarisation. Nous avions demandé cette évaluation le 13 septembre dernier à l’Elysée. Nous sommes heureux d’avoir été entendus.

2- Le travail et la formation tout au long de la vie

Lors de la dernière Conférence Nationale du Handicap, le Président de la République a proposé un pacte pour l’emploi qui prévoyait de favoriser l’emploi des personnes handicapées tout en augmentant sur 5 ans le montant de l’AAH (aujourd’hui, près de 712 €). Malgré la revalorisation de ce montant, on constate que les personnes qui la perçoivent restent avec un revenu inférieur à 200 € du seuil de pauvreté.

Quant à l’accès au travail, plusieurs constats : comment bien accéder au travail quand on n’a pas accès à l’éducation ? Pour les personnes qui ne peuvent pas accéder au milieu ordinaire de travail, les places en ESAT manquent cruellement et les ESAT existants manquent de moyen faute de dotation suffisante pour réaliser les investissements nécessaires à l’amélioration ou au maintien de l’outil de production. Même constat pour les organismes chargés du financement de l’accès à l’emploi pour les personnes handicapées. Des transferts de compétences sans transferts de moyens.

Tant que la sécurisation du parcours de travail résidera dans l’accompagnement familial ou associatif, il ne me semble pas que notre société aura rempli ses devoirs de respect envers la personne déficiente intellectuelle.

Pour ce qui est de la formation tout au long de la vie, les résultats sont là grâce à l’initiative associative : les validations des acquis et de l’expérience se mettent en place et les personnes déficientes intellectuelles peuvent mesurer leurs capacités, être rassurées pour aller plus loin dans l’acquisition de compétences.

3- L’habitat

Qu’il soit individuel ou collectif, l’habitat est en panne. Les personnes déficientes intellectuelles sont bien souvent condamnées à vivre avec leurs parents quand d’autres, au même âge, ont la chance de fonder un foyer ou vivre de façon indépendante en ayant des relations d’adultes avec leurs parents. Une personne DI qui peut vivre seul a souvent des revenus insuffisants pour accéder à la propriété. L’accès aux logements sociaux est ce qu’on sait. L’attente est telle ! Il en va de même pour l’habitat collectif en foyers de vie. Ces foyers sont financés par les conseils généraux qui se disent étranglés financièrement. Les réalisations nécessaires aux PHM ne se font pas.

4- La vie affective et sexuelle

Bon nombre d’établissements médico-éducatifs ont mis en place une éducation à la vie affective et sexuelle, notamment avec le planning familial. C’est une bonne chose qu’un jeune connaisse son corps et reçoive une éducation qui lui permettra de respecter les émotions, les sentiments et le corps de l’autre ainsi que le sien. Nous ne pouvons que déplorer que devenu adulte, et faute de logement ou parce que ses parents n’y sont pas favorables, le seul endroit où la personne déficiente intellectuelle pourra vivre une intimité sexuelle sera le lieu de travail, et devra ainsi transgresser les règles des lieux de travail. Réjouissons-nous de l’ouverture de nos enfants aux sentiments amoureux intimes, à la vie sexuelle. Les enfants ordinaires ne demandent pas l’avis des parents à partir d’un certain âge, prennent des risques, se ramassent. Et quand cela arrive, la famille est là pour les aider, pas toujours, mais souvent. On peut penser que ce qui est bon pour les uns peut l’être pour les autres …

5- L’accès à l’information

Comment décider quand on ne sait pas lire ou quand on ne comprend pas ce qu’on nous dit ? L’Unapei se mobilise depuis plusieurs années pour porter l’accessibilité de l’information. Un standard existe : le facile à lire et à comprendre. Nous souhaiterions que ce standard intègre l’ensemble des productions administratives qu’elles soient papiers ou numériques (donner exemple DTR ou documents électoraux)

6- L’accès aux soins

En général, les soins des PHM sont plutôt abordés par un angle curatif et pas préventif (ce n’est pas la démarche chez Jérôme Lejeune). Les soins sont souvent invasifs. Les PHM sont encore très éloignées des soins dentaires ou gynécologiques. Pourquoi ? La spécialité des médecins est bien le soin mais il n’y a pas de soin sans relation humaine. Or, pour qu’une relation soit bonne, il faut comprendre l’autre. La formation initiale et continue des praticiens ne prend pas suffisamment en compte la connaissance des PHM. Le professeur Réthoré n’a pas cessé de le souligner. Les avancées sont réelles grâce à des prises de conscience plus individuelles que collectives. Il est impératif pour les PHM de coordonner soins et accompagnement et de voir les établissements et services accompagnant les personnes dotés de suffisamment de moyen pour que les PHM puissent être soignées.

7- La prise en compte du vieillissement précoce

Le président de la République avait annoncé un débat sur la dépendance exclusivement consacré aux PA. L’Unapei a réussi à convaincre qu’il fallait l’étendre aux PH et notamment sur la prise en compte du vieillissement. Dans son seul réseau, l’Unapei a annoncé en 2008 que 15 000 PHM étaient sans solution adaptée. En 2013, elles seront 30 000. Et malheureusement, pas le soupçon d’un frémissement politique aujourd’hui à part la prise en compte des PH dans le débat dépendance. Nous attendons des concrétisations budgétaires dès 2012 pour que les PHM aient une vieillesse aussi digne que le reste de leur vie. L’Unapei a fait de nombreuses propositions qui tiennent compte des différences de situation entre les individus. Quand les personnes vieillissent, qui peut prendre le relai quand les parents ne sont plus là ? Nous considérons que c’est la vocation de nos associations familiales. Et pour que vous sachiez tous exactement ce qu’elles représentent, je vais le développer.

Qu’est-ce que l’Unapei 

C’est une fédération de 600 associations de parents et d’amis qui défendent les droits des personnes handicapées mentales et de leur famille. Elle regroupe 60 000 familles adhérentes. Elle a bien pour mission première de prendre en compte la dimension sociale du handicap. La plupart de ces associations, et c’est la véritable force de notre mouvement au-delà des personnes qu’il représente, ont créé et gèrent les solutions qui permettent une meilleure éducation et une meilleure intégration des personnes handicapées mentales dans la société. Ce furent un temps les établissements. Ce sont aujourd’hui en plus tous les services qui accompagnent la personne et sa famille dans son lieu de vie. On en dénombre 3 000. Les associations emploient pour remplir ces missions 80 000 professionnels. C’est une véritable force économique qui permet un dialogue équilibré avec les pouvoirs publics pour pousser plus avant les droits des personnes déficientes intellectuelles. Et comme vous le constatez, le chemin est encore long à parcourir. Au-delà des financements, nous avons besoin de parents et d’amis susceptibles de nous rejoindre pour gagner ces combats. Si je vous ai convaincu, merci de faire passer le message.

Télécharger le PDF de la présentation lors des Journées Internationales Jérôme Lejeune 2011

 


Découvrir l’ensemble des interventions lors des Journées Internationales Jérôme Lejeune 2011: 

– Le reflux gastro-oesophagien : y penser, l’évaluer, le traiter 
– Syndrome d’apnées-hypopnées du sommeil (SAHS) et la déficience intellectuelle d’origine génétique
– Questions soulevées par l’utilisation en diagnostic de la technique de CGH (« array Comparative Genomic Hybridization ») array
– La déficience intellectuelle d’origine génétique : actualités de la recherche vers des traitements ciblés
– Trouble du sommeil chez l’enfant présentant une anomalie de développement
– Prévention de l’obésité » : trisomie 21 et maladies génétiques de l’intelligence
– L’épilepsie et déficience intellectuelle
– Cancers des personnes déficientes intellectuelles. Adapter la prise en charge.
– La place des personnes handicapées intellectuelles dans la société d’aujourd’hui
– Les grands-parents et la fratrie d’une personne déficiente intellectuelle. L’importance des premières consultations

Clôture des Journées Internationales Jérôme Lejeune 2011 – Des scientifiques racontent

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