Le Pr Pierre Kamoun dresse ici le bilan de l’année 2010-2011 des actions et décisions du Conseil scientifique de la Fondation Jérôme Lejeune qu’il préside.
Le Pr Pierre Kamoun dresse ici le bilan de l’année 2010-2011 des actions et décisions du Conseil scientifique de la Fondation Jérôme Lejeune qu’il préside.
Cette instance soutient des projets de recherche fondamentale, expérimentale et clinique susceptibles de faire avancer la science vers des voies thérapeutiques pertinentes.
Le Conseil scientifique de la Fondation Jérôme Lejeune se réunit deux fois par an pour étudier les projets de recherche qui lui parviennent d’une dizaine de pays. Cinq nouveaux membres sont venus en renforcer les capacités d’analyse et la nouvelle composition (voir ci-contre).
Au cours de la session d’automne 2010, seize projets sur trente présentés ont été financés ; au cours de la session de printemps 2011, vingt dossiers sur cinquante ont été acceptés. Les laboratoires de huit pays ont bénéficié de ces subventions : dix-huit en France, cinq aux Etats-Unis et en Italie, les autres en Europe (Belgique, Espagne, Portugal) ou en dehors de l’espace européen : Israël et Australie.
Sur les trente-six dossiers retenus pour un montant total dépassant un million d’euros, seize concernaient la trisomie 21, quatre le syndrome de l’X Fragile, quatre le syndrome de Rett et douze diverses autres maladies génétiques provoquant, comme les précédentes, une déficience intellectuelle chez l’enfant.
La première étape dans l’étude d’une maladie génétique consiste à rechercher le gène dont le déficit est à l’origine des anomalies observées. Cette étape essentielle a été laborieuse : ce n’est par exemple qu’en 1991 que des anomalies du gène FMRP ont été mises en cause et démontrées comme responsables du syndrome de l’X Fragile qui atteint un garçon sur 5 000 et ce n’est qu’en l’an 2000 que des anomalies du gène MECP2 ont été reconnues comme provoquant le syndrome de Rett qui atteint une fille sur 10 000. Ces deux syndromes étaient pourtant, après la trisomie 21, les principales causes de déficience intellectuelle d’origine génétique. Des progrès technologiques récents, en particulier l’Exome Sequencing, permettront dans la prochaine décennie, l’étude des milliers de maladies génétiques dont les causes moléculaires sont encore inconnues.
La création de modèles animaux des maladies génétiques constitue la seconde étape, incontournable, pour l’étude de ces affections. Pour un grand nombre de gènes connus comme étant responsables de ces maladies, des manipulations génétiques ont permis la construction de modèles souris, ce qui autorise maintenant des recherches thérapeutiques.
Jamais dans l’histoire du Conseil scientifique de la Fondation Jérôme Lejeune autant de projets à visée thérapeutique n’avaient été proposés. Pour le syndrome de l’X Fragile deux projets de recherche ont été acceptés. Chacun d’entre eux tentera d’améliorer les troubles cognitifs observés dans le modèle animal à l’aide de substances qui pourraient contre balancer l’un des effets délétères de l’anomalie du gène FMRP sur desrécepteurs ou des protéines importantes dans le fonctionnement des neurones.
Dans la trisomie 21 une question se pose : combien de gènes sont responsables de la déficience intellectuelle ? Nous n’avons pas encore de réponse, mais nous sommes en train d’établir la liste des gènes-candidats. Cinq projets de recherche seront soutenus dans le domaine thérapeutique : des substances comme la mémantine, la rapamycine et la fluoxétine seront testées sur des modèles souris de l’anomalie chromosomique. Par ailleurs une inhibition de la protéine à activité enzymatique, Dyrk1A, sera recherchée sur divers modèles souris de la trisomie 21 avec les nouveaux inhibiteurs récem-ment isolés. Enfin le premier essai en clinique d’un tel inhibiteur sera soutenu par la Fondation Jérôme Lejeune : il sera conduit en Espagne sur une centaine d’enfants trisomiques 21, avec une substance anti-oxydante dont on connait bien l’innocuité. La durée prévue de l’essai thérapeutique est de un an ; il sera conduit en double aveugle conformément aux procédures universellement admises pour tester l’efficacité d’une thérapeutique. Cet essai clinique visant à inhiber spécifiquement la surexpression d’une protéine dont le gène est localisé sur le chromosome 21 est le premier d’une longue série. La non-toxicité des produits qui seront utilisés est bien-sûr la première condition qu’il faudra respecter. Pour traiter la déficience intellectuelle, de combien de gènes faudra-t-il limiter l’expression ? Cette donnée ne sera acquise que dans les prochaines décennies.
Je suis heureux, alors que je m’apprête à quitter la présidence et le Conseil scientifique de la Fondation Jérôme Lejeune, d’avoir assisté à la première tentative en clinique d’un traitement raisonné de la trisomie 21.