Le 21ème jour de la 21ème année du 21ème siècle, Rome a reconnu l’héroïcité des vertus du découvreur de la trisomie 21. Cet heureux alignement de planètes ne doit pas faire illusion. Il ne couronne pas le génie du scientifique ni les compétences du médecin mais les qualités de l’homme authentique qu’il a été durant toute sa vie, tant personnelle que familiale et professionnelle. Je laisse à plus expert que moi le soin de commenter les vertus théologales. En revanche, il m’est assez facile d’imaginer ce que serait devenu Jérôme Lejeune dans la société libérale-libertaire des années 68 s’il n’avait pas pratiqué les vertus cardinales dans lesquelles il s’est distingué.
Il aurait sans doute, comme beaucoup de ses confrères, manqué de prudence en favorisant à tout-va le dépistage prénatal des anomalies génétiques, sachant qu’un diagnostic positif condamne presque toujours l’enfant à la mort par l’avortement. Il aurait ensuite desservi la justice s’il n’avait pas rappelé ce qui est bien et mal dans l’exercice de la médecine depuis Hippocrate, rendu à chacun ce qui lui est dû, donc reconnu à tout être humain, même diminué aux yeux du monde, le droit d’être respecté. Il serait aussi passé à côté de la force d’âme qui implique certes de supporter l’adversité mais surtout de s’opposer publiquement aux actes destructeurs de la vie humaine. En se pliant aux injonctions politico-médiatiques, il aurait à l’évidence pu éviter l’ostracisme, les agressions verbales et les menaces de mort dont il a été l’objet. Il aurait enfin risqué de méconnaître la vertu de tempérance qui demande d’user des biens matériels avec modération et détachement pour toujours rester libre. Savant courtisé dans le monde entier, il aurait peut-être usé de ses relations pour son intérêt personnel, accepté les offres étincelantes de l’étranger, pratiqué les consultations privées et la médecine à deux vitesses.
Loin de tout cela, Jérôme Lejeune a embrassé la cause de ses patients jusqu’à devenir comme eux une sorte de « rebut social » mais sans jamais se départir d’une joie sereine jusqu’à son dernier souffle.