Le 25 février 2014, Jean-Marie Le Méné, président de la Fondation Jérôme Lejeune, envoie à Mr Louis Dreyfus, directeur de la publication du Monde, un droit de réponse à l’article publié le 5 février 2014 dans le cahier Science & Médecine du Monde.
Voici le texte de la lettre in extenso.
« Monsieur le Directeur de la Publication,
Dans votre cahier science&médecine numéro 21477 du 5 février 2014, vous avez publié un article intitulé «Trisomie, une pionnière intimidée », aux termes duquel vous remettez en cause le rôle de Jérôme Lejeune dans la découverte de la Trisomie 21, laissant entendre qu’il s’est approprié les travaux de Madame Marthe Gautier.
Dans ces conditions, en ma qualité de Président de la Fondation Jérôme Lejeune et en application de l’article 13 de la Loi du 29 juillet 1881, je vous prie d’insérer le droit de réponse suivant :
Depuis 50 ans, la communauté scientifique tant nationale qu’internationale connaît le rôle de Jérôme Lejeune dans la découverte de la cause de la Trisomie 21. Nul n’a contesté l’ordre des signataires de la publication princeps du 26 janvier 1959 : Jérôme Lejeune, auteur principal des travaux publiés, cité en premier selon l’usage scientifique universellement reconnu, puis Marthe Gautier, et enfin Raymond Turpin, chef de service. Il a fallu attendre 2009, bien après la mort des professeurs Lejeune et Turpin pour que le docteur Marthe Gautier, âgée de 88 ans, écrivît sa propre histoire de la découverte dans la revue Médecine-sciences y accusant Lejeune de s’être approprié la photo du 1er caryotype montrant l’origine chromosomique du « mongolisme », et revendiquant la paternité de la découverte. Or cette version personnelle des faits n’est étayée par aucune preuve, et pour cause, et se contredit au fil des déclarations successives.
Cette revendication est d’autant plus injuste que le professeur Lejeune a toujours souligné (notamment dans sa Leçon inaugurale que nous tenons à la disposition de qui le souhaite) le travail d’équipe ayant conduit à la découverte et notamment la contribution technique de Marthe Gautier qui maîtrisait la culture cellulaire, phase importante mais limitée dans le long processus de recherche. Marthe Gautier, jeune … /… médecin cardiologue, n’a pas fait l’hypothèse de la présence d’un chromosome supplémentaire chez les personnes trisomiques, ni proposé de synthèse. Sans ces éléments essentiels qui caractérisent une découverte scientifique, il est difficile d’en revendiquer la « paternité ».
Par ailleurs, les affirmations de Marthe Gautier sont en contradiction avec les documents historiques. Un exemple : plusieurs mois après la date à laquelle Mme Gautier prétend avoir découvert – seule – le 47ème chromosome responsable de la maladie, le Pr Turpin, patron du laboratoire, écrivait à Jérôme Lejeune, dans une lettre manuscrite du 27 octobre 1958, que « Mlle Gautier et Mme Massé (la technicienne) en sont toujours à 46 ». Quant aux lettres envoyées par Marthe Gautier à Jérôme Lejeune, avant, et après la découverte, elles sont empreintes de cordialité et ne portent la marque d’aucune tension particulière.
Autrement dit, rien, dans les documents de l’époque ne suscite le moindre doute sur la participation respective des uns et des autres à la découverte. On rappellera que Lejeune avait trente-deux-ans, qu’il était le plus jeune des trois et que ce n’est à l’évidence pas lui qui a décidé de l’ordre des signataires.
Après le départ de Marthe Gautier, l’équipe Lejeune de l’Hôpital Necker a poursuivi le développement de la cytogénétique moderne en découvrant d’autres anomalies chromosomiques. Jérôme Lejeune avait plus de cinq cents publications à son actif. Son travail lui avait ouvert les portes de nombreuses sociétés savantes, en France et dans le monde et a été distingué par des prix prestigieux (dont le prix Kennedy en 1962 remis à Lejeune personnellement après enquête et le William Allen Memorial Award en 1969 dont Lejeune a été le seul généticien français récipiendaire).
Pourquoi tant de bruit autour d’une découverte qui a été reconnue par la communauté scientifique, nationale et internationale, et qui est validée par les documents historiques disponibles ? Personne ne nie la contribution de Marthe Gautier. Jérôme Lejeune l’a reconnue chaque fois qu’il en avait l’occasion. Sauf à vouloir la réécrire, respectons l’histoire et tournons notre regard vers l’avenir et la recherche d’un traitement pour les enfants trisomiques, comme l’a fait Jérôme Lejeune.
Je vous prie de croire, Monsieur le Directeur, à l’expression de ma plus vive considération.
Jean Marie LE MÉNÉ
Président