Cette année, sept chercheurs ont obtenu une bourse postdoctorale de la Fondation Jérôme Lejeune. Chacune, d'un montant de 130 000 euros, est attribuée pour deux ans, à un projet scientifique. Trois de ces chercheurs développent des projets qui ont pour objectif d’étudier les bases cellulaires et moléculaires de la pathologie de type Alzheimer dans la trisomie 21 et de contribuer au développement de nouvelles thérapies.
La plupart des adultes atteints de trisomie 21, développent une pathologie semblable à la maladie d’Alzheimer avant l’âge de 40 ans. Cette pathologie de type Alzheimer à apparition précoce dans la trisomie 21, est généralement attribuée à un dosage accru du gène de la protéine précurseur de l’amyloïde (APP), situé sur le chromosome 21. La maladie d’Alzheimer est la cause la plus fréquente de démence, un terme général désignant la perte de mémoire et d’autres capacités cognitives suffisamment graves pour interférer avec la vie quotidienne. Les changements microscopiques dans le cerveau commencent bien avant les premiers signes de perte de mémoire, et les scientifiques pensent que la maladie d’Alzheimer empêche les cellules du cerveau de faire leur travail. Les cellules endommagées finissent par mourir, entraînant des changements irréversibles dans le cerveau.
Le premier changement que l’on peut constater dans le cerveau d’une personne porteuse de trisomie 21, est notamment l’accumulation anormale à l’extérieur des cellules du cerveau, du peptide ß-amyloïde (produit de clivage de la protéine APP), qui conduit à la formation de « plaques amyloïdes ».
Un autre changement que l’on peut observer est lié à l’accumulation anormale de la protéine Tau dans les neurones (enchevêtrements neurofibrillaires), conduisant à leur dégénérescence (voir l’illustration ci-dessous).
Dans le cerveau affecté par la maladie d’Alzheimer, des niveaux anormaux de la protéine bêta-amyloïde déclenchent la formation des plaques (en brun) qui s’accumulent entre les neurones et perturbent la fonction cellulaire. En outre, des niveaux anormaux de la protéine tau s’accumulent et forment des enchevêtrements (en bleu) à l’intérieur des neurones, nuisant à la communication synaptique entre les cellules nerveuses.
Les résultats de recherche suggèrent que les modifications du cerveau liées à la maladie d’Alzheimer pourraient résulter d’une interaction complexe entre les protéines Tau anormales, les protéines bêta-amyloïdes et d’autres facteurs. La protéine Tau anormale s’accumule dans des régions spécifiques du cerveau impliquées dans la mémoire, tandis que la protéine bêta-amyloïde s’agglomère en plaques entre les neurones.
DYRK1A dans la maladie d’Alzheimer : implications pour la Trisomie 2
Les gènes APP et DYRK1A sont présents sur le chromosome 21 et sont donc surexprimés dans la trisomie 21 ; ils contribuent à ce processus neurodégénératif. Le gène DYRK1A participe au développement de plusieurs autres maladies neurodégénératives, telles que les maladies d’Alzheimer et de Parkinson. Dans des modèles murins de la maladie d’Alzheimer, la réduction de l’expression de la DYRK1A a permis de retarder l’apparition des plaques et des enchevêtrements neurofibrillaires. Daniella Balduino Victorino, dans l’équipe de Marie-Claude Potier à l’Institut du Cerveau (ICM) en France, étudiera dans des modèles murins de dégénérescence cérébrale, la relation entre le vieillissement et les taux plasmatiques de la protéine DYRK1A. Elle analysera aussi comment la surexpression de DYRK1A est corrélée avec la dégénérescence liée au vieillissement. L’élucidation des mécanismes moléculaires qui sous-tendent l’interaction entre DYRK1A et la neuropathologie de la maladie d’Alzheimer dans un contexte indépendant de la trisomie 21 pourrait fournir de nouvelles pistes sur le rôle spécifique de DYRK1A dans la maladie d’Alzheimer liée à la trisomie 21. Le projet étudiera les taux plasmatiques de DYRK1A afin de déterminer si le taux de DYRK1A peut être utilisé comme un biomarqueur diagnostique potentiel de la maladie d’Alzheimer et de maladies apparentées.
Intéractions RCAN-ApoE et troubles cognitifs
Environ 50 % ou plus des personnes atteintes du trisomie 21 développeront une démence due à l’apparition précoce de la maladie d’Alzheimer. Une structure intracellulaire, l’endosome, semble avoir un rôle majeur. L’endosome est avant tout un organite de tri intracellulaire qui régule le trafic de protéines et de lipides entre d’autres compartiments cellulaires, ou de l’extérieur vers l’intérieur de la cellule. Des endosomes hypertrophiés ont été visualisés dans les cellules de personnes avec la maladie d’Alzheimer et trisomie 21. En outre, il a été démontré qu’une copie supplémentaire de RCAN1, un gène localisé sur le chromosome 21, entraîne des défauts de trafic endosomal. Ainsi, une meilleure compréhension de l’interaction de RCAN1 avec ces protéines véhiculées par les endosomes pourrait permettre de mieux comprendre le processus de déclin cognitif lors de la trisomie 21. Nakisa Malakooti, qui travaille dans le laboratoire de Senthil Arumugam à l’université Monash en Australie, cherchera à savoir si et comment le RCAN1 interagit avec un autre gène l’ApoE dont certains variants sont reconnus comme facteurs favorisants de la maladie d’Alzheimer.
Mitochondries, maladie d’Alzheimer et Trisomie 21
La maladie d’Alzheimer se caractérise par l’apparition d’altérations mitochondriales (la mitochondrie est un élément essentiel de la respiration de la cellule), ainsi qu’un métabolisme énergétique déficient qui contribuent à la perte des connexions entre les neurones et à la mort cellulaire. L’altération des mécanismes par lesquels les cellules éliminent les mitochondries endommagées, a été évoqué comme jouant un rôle dans le développement de la maladie d’Alzheimer. Il est donc possible qu’en favorisant l’élimination des mitochondries endommagées, il soit possible d’inverser ou de prévenir certaines des altérations observées dans la maladie d’Alzheimer, chez les personnes atteintes de trisomie 21 ou dans la population générale. C’est l’objectif de Nunzia Mollo, une jeune chercheuse postdoctorale travaillant dans l’équipe de Lucio Nitsch, à l’université de Naples Federico II en Italie.
Elle étudiera le dysfonctionnement mitochondrial dans la trisomie 21, en utilisant des cellules iPSC dérivées de patients. Cette étude novatrice évaluera si, parallèlement aux symptômes de la maladie d’Alzheimer, les cellules neuronales présentent des altérations de leur morphologie, de leurs fonctions et de la dégradation des mitochondries. Des altérations mitochondriales ont été trouvées dans la trisomie 21, mais la cause et les conséquences de ces altérations restent largement inconnues. Les résultats de ce projet mettront en lumière le rôle des mitochondries dans le développement du phénotype de la maladie d’Alzheimer dans la trisomie 21, et ouvriront la voie à des approches thérapeutiques innovantes.
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