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Défense

Les chimères : les embryons homme-animal

Les chimères : les embryons homme-animal

La chimère animal-homme au plan scientifique

Les chimères sont des organismes contenant des cellules d’origines différentes, mais sans mélange des matériels génétiques. On crée des animaux « chimériques » en introduisant dans l’embryon très précoce (du zygote au stade 4) du futur animal des cellules souches pluripotentes venues d’une autre espèce que celle de l’animal, par exemple des cellules souches embryonnaires humaines pour un embryon de rat ou de porc. Ce type d’opération n’a qu’un intérêt limité car ces cellules injectées dans l’embryon, si elles survivent et arrivent à se multiplier, donneront simplement un animal « mosaïque » ayant quelques cellules humaines dans son corps, sans effet fonctionnel.

Pour que les cellules humaines injectées dans un embryon animal aient quelqu’effet, il faut leur créer un « lieu d’accueil » où elles pourront se rassembler sans être gênées par les cellules de l’embryon lui-même.

C’est ce que l’on fait, par exemple, en pratiquant une manipulation génétique préalable sur le génome de l’embryon animal, en sorte qu’un ou plusieurs gènes, responsables du développement d’un organe particulier (le rein, la thyroïde, le pancréas par exemple) soient inhibés dans leur expression. L’organe animal en question ne pourra pas se développer chez cet embryon, et des cellules humaines injectées pourront venir occuper ce « lieu de développement » laissé vide et y créer un rein, une thyroïde ou un pancréas humain (si l’opération marche, ce qui n’est pas prouvé).

C’est ce que l’on appelle la « complémentation de blastocyste ». Celle-ci viserait à faire croître des organes humains chez l’animal (porc), en vue de transplantations. L’animal a donc un organe humain en développement dans son corps. Jusqu’à présent cette technique n’a réussi que chez la souris, avec des organes de rat, et aucun résultat n’a été obtenu chez le porc.

L’article L 2151-2 du code de la santé publique interdit la création d’embryons chimériques. L’interdit étant général, on peut considérer que les chimères animal-homme sont interdites au même titre que les chimères homme-animal.

L’article 17 du projet de loi, dans sa version initiale, rendait possible la création de chimères animal-homme à partir de cellules souches embryonnaires humaines (CSEh) ou de cellules souches pluripotentes induites (cellules iPS).

Cette expérimentation vise à vérifier la pluripotence de ces cellules souches, afin de constituer un test de référence. De manière plus lointaine, les chercheurs envisagent de créer des animaux qui seraient dotés d’un organe humain. Il s’agirait de pallier le manque de dons d’organes en permettant des xénogreffes. Cela serait rendu possible « par l’inactivation, dans un embryon animal, de  certains  gènes  responsables  du  développement  d’un  organe  ciblé,  auxquels  viendraient  se  substituer  des  cellules  humaines  pluripotentes  (cellules  souches  embryonnaires ou iPS) ».

Même si ce projet semble intéressant, les essais expérimentaux ne sont pas encourageants.

La création de chimère animal-homme soulève toutefois des problématiques éthiques.

A ce titre, le Conseil d’Etat a identifié trois risques principaux :

  • « le risque de susciter une nouvelle zoonose (ie. une infection ou infestation qui se  transmet naturellement des animaux vertébrés à l’homme et vice‐versa) ;
  • le risque de représentation humaine chez l’animal (si ce dernier acquérait des  aspects visibles ou des attributs propres à l’humain) ;  
  • le  risque  de  conscience  humaine  chez  l’animal  (si  l’injection  de  cellules  pluripotentes  humaines  produisait  des  résultats  collatéraux  induisant  des  modifications  chez  l’animal  dans  le  sens  d’une  conscience  ayant  des  caractéristiques humaines )».

Sur ce dernier point, des scientifiques ont identifié un risque de migration des cellules humaines vers le cerveau de l’animal.  Pour autant, le risque de conscience humaine chez l’animal, identifié par le Conseil d’Etat, est toutefois hypothétique et ce d’autant plus que la conscience humaine ne se réduit pas à des réactions biochimiques. Elle est d’une autre nature. On constate néanmoins que la création d’embryons chimériques animal-homme brouille la frontière entre les espèces. La prudence est donc de mise.

Au delà des risques exposés par le conseil d’état il faut surtout mentionner le principal problème éthique des chimères prévu par le PJLB : utiliser l’embryon humain et ses cellules souches pour expérimenter le mélange homme animal. L’embryon humain n’a pas a être le cobaye de telles expérimentations

Au regard des risques sanitaires, des risques de conscience et de représentation humaines chez l’animal, et surtout de l’utilisation de l’embryon humain comme matériau de laboratoire, la prochaine loi de bioéthique doit donc interdire expressément les chimères animal-homme, au même titre que les chimères homme-animal.

Au 28 juillet 2020 – En 1ère lecture, l’Assemblée nationale a adopté l’article 17 du projet de loi bioéthique qui rendait possible la création de chimères animal-homme. Elle a également autorisé le transfert de l’embryon chimérique chez la femelle. La commission spéciale du Sénat a interdit la création d’embryons chimériques animal-homme à partir de CSEh ; en autorisant uniquement l’insertion de cellules iPs dans l’embryon animal. Consciente des risques soulevés par le Conseil d’Etat, elle a limité le pourcentage des cellules humaines à injecter et a interdit la naissance d’animaux chimériques. Souhaitant conserver l’interdit actuel de créer des embryons chimériques, les sénateurs en séance, ont supprimé l’article 17 du projet de loi.

La commission bioéthique de l’Assemblée nationale, lors de la 2ème lecture, a réintégré l’article 17

 

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Chimères, une diabolisation utilitaire qui abîme l'humanité

Tribune de Lucie Pacherie, juriste à la Fondation pour La Croix