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L’innocence sommée de fournir des justifications

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28 Mar 2022 L’innocence sommée de fournir des justifications

Edito de Jean-Marie Le Méné

L’intention exprimée par M. Macron, dans les premières minutes de son discours de président de l’UE, de vouloir intégrer l’avortement à la Charte européenne des droits fondamentaux, est un archétype de guerre. Celle où un Mal, travesti en un Bien, produit un effet désarmant. Et enclenche un désastre avec une grande économie de moyens. Quel que soit le jugement que l’on porte sur la légalisation de l’avortement, l’homicide qui le définit peut difficilement passer pour une valeur fondamentale. Depuis quand le rejet volontaire du plus jeune membre de notre humanité peut-il être tenu pour autre chose qu’un drame ? Lorsque le président de la République française s’adresse solennellement aux vingt-sept pays de l’Union, il parle avec des mots pesés au trébuchet. Qu’a-t-il voulu dire ? Le sujet est-il dans sa sphère d’intérêt personnel ? Non. Etait-ce un message à la nouvelle présidente du Parlement européen, Maltaise, qui a le malheur d’être réputée pro-life ? Il serait mesquin de le penser. Voulait-il séduire un électorat féministe en vue des élections présidentielles ? 

« Le jour où le crime se pare des dépouilles de l’innocence, par un curieux renversement qui est propre à notre temps, c’est l’innocence qui est sommée de fournir des justifications »

Il n’en a guère besoin. Alors, quoi ? En présentant l’avortement comme un bien supérieur, structurant l’état de droit, non négociable, il gagne beaucoup plus. Il renverse l’échelle des valeurs de l’Europe et pulvérise toute opposition. Il dotera l’UE d’une arme politique absolue à l’encontre des derniers pays qui ne seront pas alignés sur la législation la plus progressiste. En recourant à la clause de la nation la plus favorisée, l’Union fera de la surenchère transgressive une règle. De ce fait, elle pourra conditionner ses aides au degré d’« abortivité » des états membres. Comme l’écrivait Albert Camus, « le jour où le crime se pare des dépouilles de l’innocence, par un curieux renversement qui est propre à notre temps, c’est l’innocence qui est sommée de fournir des justifications ». La bien-pensance morale et politique de la France n’a pas trouvé grand-chose à redire à la déclaration prétorienne de M. Macron. Il est vrai que le premier qui ose remettre en cause la doxa sexuelle et reproductive est vitrifié. Beaucoup pensent à tort qu’il s’agit d’un combat du passé alors que c’est le terreau de notre présent ! « Se croire au paradis par erreur » est la formule de Simone Weil pour définir l’enfer. Prenons garde à ce qu’on tolère. On a enseigné à nos enfants comment traiter l’humanité fragile au début de la vie. Ceux qui ont retenu la leçon s’appliquent maintenant à la mettre en œuvre en fin de vie. Il n’est peut-être pas trop tard pour arrêter leur bras.

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