Les avancées cliniques
Respire 21
Trisomie 21 : traiter l’apnée du sommeil pour améliorer la cognition.
C’est en 2017 que l’Institut et la Fondation Jérôme Lejeune ont lancé avec l’hôpital Necker Respire 21, un programme de recherche clinique visant à évaluer l’intérêt d’un dépistage systématique du syndrome d’apnée du sommeil chez les jeunes nourrissons associé à une correction optimale de ce trouble par un traitement adapté. Celui-ci a été piloté à l’Institut Jérôme Lejeune qui reçoit à peu près un tiers des enfants trisomiques qui naissent chaque année en France.
Les résultats ont été publiés dans une grande revue scientifique, le Lancet Regional Health – Europe et ils sont porteurs d’espoir. Pour la première fois dans la trisomie 21, une étude clinique montre le bénéfice d’une intervention médicale sur le développement de jeunes enfants avec une trisomie 21. Explications.
À l’origine de ce projet ambitieux : un cas clinique
À sa naissance, Marie, porteuse de trisomie 21, est opérée pour une grave cardiopathie. Au cours d’une hospitalisation en unité classique, alors qu’elle semblait dormir parfaitement, les capteurs de Marie sonnaient et les infirmières venaient dans la chambre pour comprendre ce qui se passait. Une interne ayant précédemment réalisé un stage à l’hôpital Necker a soupçonné un syndrome d’apnées obstructives du sommeil et a pris un rendez-vous pour réaliser une polysomnographie. Cet examen a révélé des apnées sévères, qui n’étaient pas perceptibles pendant le sommeil.
Marie a alors été appareillée contre les apnées du sommeil à Necker par le Professeur Brigitte Fauroux qui, depuis longtemps, avait l’intuition et la conviction que le retard cognitif des enfants avec déficience intellectuelle était accentué par des apnées du sommeil non détectées dans les premières années de vie. Dans les 24 heures qui ont suivi l’appareillage, la maman de Marie a noté un sommeil beaucoup plus profond et une amélioration remarquable du tonus de sa fille. Sa Maman témoigne : « En l’espace de 24 h, nous avons vu une nette différence. Elle a notamment acquis une tonicité musculaire dont elle ne disposait pas auparavant. » « Nous sommes persuadés que la bonne ventilation du cerveau de Marie la nuit est primordiale pour son éveil »
Le docteur Aimé Ravel, généticien et chef du service de la consultation à l’Institut Jérôme Lejeune qui suivait le développement de la petite fille depuis sa naissance, s’est saisi de cette question avec beaucoup d’intérêt, d’autant plus que lors de la consultation annuelle, il n’avait pas suspecté d’apnées aussi profondes.
C’est le point de départ du projet de recherche Respire 21.
SAOS et TRISOMIE 21
Le Syndrome d’Apnée du Sommeil (SAOS) est très fréquent dans la trisomie 21.
Avant le démarrage de l’étude, on estimait que ces troubles concernaient entre 30 % et 50 % des jeunes enfants porteurs de trisomie 21, contre 2 % à 4 % dans la population pédiatrique générale. Or, dans le cadre de l’étude, un SAOS est présent chez 97% des enfants porteurs de trisomie 21 à l’âge de 6 mois dont 54 % sous une forme sévère ou modérée, soit dix fois supérieure chez les jeunes enfants trisomiques 21 à la population pédiatrique générale. Ce taux augmente avec l’âge pour arriver jusqu’à 90% chez les adultes porteurs d’une trisomie 21. Si les troubles sont plus fréquents, ils sont également plus sévères.
La conformation anatomique des enfants porteurs de trisomie 21 (hypotonicité, petites fosses nasales, langue plus épaisse) favorise en effet les apnées du sommeil et une mauvaise oxygénation du cerveau la nuit, au moment même où celui-ci se construit et se développe.
Néanmoins, comme certaines recommandations américaines n’envisagent pas la pratique de la polysomnographie avant l’âge de 4 ans, le syndrome d’apnée du sommeil était peu détecté chez les jeunes enfants et souvent méconnu.
DETECTER ET TRAITER L’APNEE DU SOMMEIL : UN BENEFICE DIRECT POUR LES ENFANTS
Les résultats de cette étude montrent que le dépistage précoce (dès l’âge de 6 mois), systématique et régulier (tous les 6 mois) – pendant les trois premières années de vie, associé à une correction optimale de ce trouble par un traitement adapté, y compris chirurgical, permettent un meilleur développement neurocognitif et comportemental par rapport à une population témoin non dépistée précocement.
Le projet Respire 21 est une réussite majeure, offrant de nouvelles perspectives aux enfants trisomiques. En dépistant et traitant le SAOS dès le plus jeune âge, les enfants présentent un meilleur quotient de développement global et de meilleures fonctions adaptatives, améliorant ainsi leur qualité de vie et leur insertion sociale.
Ce succès reflète également le modèle unique de l’Institut Jérôme Lejeune, où soins et recherche sont étroitement liés. Les observations cliniques orientent les recherches, et les patients bénéficient directement des avancées. Cela souligne l’importance de la médecine préventive et d’une prise en charge personnalisée pour traiter efficacement les surhandicaps comme le SAOS.