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Modifier le patrimoine génétique : progrès ou menace ?

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08 Fév 2016 Modifier le patrimoine génétique : progrès ou menace ?

 Dans un dossier de 3 pages publié le 9 février 2016, La Croix enquête sur la méthode Crispr-Cas9*, une révolution scientifique inquiétante. L’enquête confronte le point de vue de deux spécialistes : Jean-Marie le Méné, Président de la Fondation Jérôme Lejeune, pour qui il faut rester mesuré et prudent devant cette méthode, et Hervé Chneiweiss, Neurobiologiste du CNRS-Inserm UPMC, président du comité d’éthique de l’Inserm, qui développe un point de vue utilitariste sur la question.

* Le CRISPR (Clustered Regularly Interspersed Palindromic Repeats, « courtes répétitions palindromiques groupées et régulièrement espacées ») permet de modifier facilement et rapidement n’importe quelle séquence d’ADN, ce qui, selon ses promoteurs, « devrait donner un coup d’accélérateur aux recherches en thérapie génique » et ouvrir « la possibilité de faire disparaître des maladies génétiques héréditaires voire certains cancers pour lesquels la prédisposition génétique est prépondérante. »

 Presse2-16-02-09

 

Faut-il instituer un moratoire sur la technique génétique Crispr-Cas9 ?

La technique d’« édition du génome » Crispr-Cas9 soulève de nombreuses questions éthiques sur les limites de son application, notamment concernant les gamètes et la biodiversité.

 

« Oui, en cas d’usage sur un embryon précoce ou des cellules sexuelles »

Par Jean-Marie Le Méné, président de la Fondation Jérôme-Lejeune.

« La technique d’édition du génome Crispr-Cas9 semble, a priori, être une belle et intéressante découverte. Toutefois, à la Fondation Jérôme-Lejeune, nous sommes toujours prudents à l’égard d’avancées scientifiques et/ou médicales qui sont souvent rendues publiques avec beaucoup d’enthousiasme et qui, à l’usage, ne se révèlent pas si simples, fiables et bénéfiques que cela. J’en veux pour preuve les annonces faites par le passé autour des cellules-souches embryonnaires, la thérapie génique, la thérapie cellulaire et même, au début, les cellules-souches adultes reprogrammées (les cellules-souches pluripotentes induites iPs de Shinya Yamanaka en 2007).

Pour nous, l’essentiel ici est de distinguer l’usage que l’on fait de cet outil. Pour ce qui concerne l’humain, la correction d’anomalies génétiques, à l’origine de graves maladies, sur des cellules somatiques (cellules du corps excepté les cellules germinales), cela ne nous pose pas de problème particulier. En revanche, son utilisation sur l’embryon précoce ou les gamètes (ovules et spermatozoïdes) nous semble impossible pour des raisons éthiques. Les gamètes doivent rester absolument intouchables, car leurs modifications génétiques concerneraient la personne qui les porte ainsi que toute sa descendance. Ce serait alors de l’eugénisme. Nous pensons même que les cellules sexuelles humaines devraient avoir un statut ontologique particulier. En conséquence nous sommes pour un moratoire permanent en cas d’usage sur un embryon précoce ou des cellules sexuelles. »

 

« Non, ce serait à la fois inutile et illusoire »

Hervé Chneiweiss, neurobiologiste CNRS-Inserm-UPMC, président du comité d’éthique de l’Inserm, membre du Comité consultatif national d’éthique.

« Comme toute nouvelle technologie, Crispr-Cas9 dépend de l’usage qu’on en fait. Ayant déjà été l’objet de plus de 1 000 articles dans les revues scientifiques, et compte tenu de sa facilité d’emploi dans les laboratoires académiques et les sociétés de biotechnologie, l’idée d’un moratoire me semble à la fois inutile et illusoire.

Il y a quelques jours, au Royaume-Uni, l’Autorité de la fertilisation humaine et de l’embryologie (HFEA) a autorisé une biologiste de l’Institut Francis-Crick de Londres à effectuer des recherches sur des embryons surnuméraires, destinés à la recherche fondamentale puis à être détruits, et non à la reproduction humaine (AMP). L’objectif est notamment d’étudier l’expression de gènes impliqués dans le développement précoce. Une autorisation conforme à la loi anglaise, ainsi qu’à la loi française de bioéthique de 2013.

En revanche, la technique Crispr-Cas9 (et sa variante « gene drive ») va permettre de modifier le génome d’espèces vivantes « nuisibles » comme stériliser les moustiques vecteurs de graves maladies infectieuses (paludisme) par exemple, mais avec un impact non évalué sur la biodiversité. Il va donc falloir réfléchir à de nouvelles recommandations. C’est ce que le Comité consultatif national d’éthique et ceux des organismes de recherche vont entreprendre dans les semaines à venir. »


Lire l’intégralité du dossier sur le site de La Croix.

 

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