Actualités de la fondation

ONU : La France épinglée sur le handicap

Bioéthique
News
15 Nov 2021 ONU : La France épinglée sur le handicap

Les experts du Comité des droits des personnes handicapées (CDPH) de l’ONU ont examiné le respect effectif par la France des droits des personnes handicapées. Ces experts, originaires de tous les continents, s’appuient sur les remontées de terrain des ONG pour mettre en lumière des dysfonctionnements nationaux. La Fondation Jérôme Lejeune, dotée du statut ECOSOC (statut officiel octroyé par les Nations-Unies aux ONG utiles pour leur information) a contribué à ce travail.

Sans-titre-1

Entretien avec Jonas Ruškus, vice-président lituanien du Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU. Cet expert connaît bien notre pays et le monde du handicap mental, puisqu’il a travaillé dans un foyer de l’Arche en France dans les années 90.

Dans un rapport publié le 14 septembre dernier, avec les experts du comité, M. Ruskus juge que la France ne respecte pas certaines obligations de la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées, qu’elle a signée en 2008. Cette mise en garde porte notamment sur les excès de la politique de dépistage prénatal de la trisomie 21 qui véhicule des stéréotypes négatifs pour les personnes porteuses de trisomie 21.

Il existe aujourd’hui des pays comme l’Islande dans lesquels – à cause de l’interruption de grossesse pour cause de handicap – il ne naît plus, ou quasiment plus, de bébés porteurs de trisomie 21. Que pensez-vous de la perspective d’« un monde sans trisomiques » ?

JR : La France, comme d’autres pays, viole sérieusement les droits de l’Homme par ses dispositifs de prévention du handicap, y compris le dépistage prénatal, qui, d’une manière plus ou moins explicite, est orienté vers l’élimination des personnes ayant des déficiences. Le Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU a d’aillleurs relevé que « le dépistage génétique prénatal des déficiences fœtales, notamment la trisomie 21 » était « dévalorisant  » pour les personnes porteuses de 3 chromosomes  21. En fait, face à un tel dispositif de dépistage, la conception discriminatoire du handicap est sous-jacente. Le handicap est considéré comme un échec de la santé, une tragédie humaine et un fardeau pour la société et les parents de l’enfant. Cette conception du handicap est particulièrement discriminatoire car elle met les personnes en marge du tissu social, en niant leur dignité. Le fascisme est basé sur les mêmes prémices déshumanisantes. Le dépistage prénatal de la trisomie 21 est particulièrement stigmatisant. Un tel dispositif ne fait que promouvoir et renforcer les stéréotypes déjà négatifs dans la société, et décourage les parents.

Vivrons-nous un jour dans un monde où chaque enfant porteur de handicap pourra être scolarisé, avec l’accompagnement nécessaire, des formations pour les enseignants, et sans résistance de la part de l’école ou des autres parents d’élèves ?

JR : L’éducation inclusive doit être un objectif de la politique nationale d’éducation. Il faut des moyens immédiats, quelles que soient les ressources dont le pays dispose. On ne pourra pas espérer de vie inclusive sans éducation inclusive. C’est ce que le Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU prône. Il encourage les « parents ou tuteurs légaux à porter plainte et à demander réparation en cas de refus d’inscription d’un enfant à l’école en raison de son handicap ».

Si l’enfant en situation du handicap reçoit l’éducation dans un établissement ou une classe spécialisés, séparé des enfants sans handicap, il est très probable que cette personne à l’âge adulte, quand sa famille ne sera plus capable de s’occuper d’elle, sera obligée de vivre en institution, à cause du manque de formation de la personne à vivre de manière autonome, du manque d’aménagements raisonnables et du manque de services.
C’est pourquoi, en vertu de la Convention, les enfants français ne devraient pas être exclus sur le fondement de leur handicap de l’enseignement primaire et secondaire. La Convention oblige à procéder à des aménagements raisonnables en fonction des besoins de chacun : accompagnement individuel, techniques et matériel pédagogique adaptés, comme par exemple la langue facile à lire et à comprendre (FALC). La France a beaucoup à faire encore à cet égard. Tous les enseignants devraient recevoir une formation théorique et pratique sur les valeurs et les compétences de base nécessaires pour instaurer un cadre propice à l’éducation inclusive.

Le Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU retient plusieurs points de vigilance sur lesquels évoluer : donner davantage la parole aux personnes handicapées pour orienter leur vie, proposer des alternatives aux institutions fermées, faire en sorte que les personnes handicapées françaises n’aient plus besoin d’aller trouver des solutions en Belgique. Quelles propositions de lieux de vie, devrait recevoir une personne ?

JR : Dans la conception du handicap basée sur les droits de l’homme, les personnes handicapées possèdent tous les droits humains, à égalité avec les autres, y compris l’autonomie individuelle, la non-discrimination, le respect de la différence, l’acceptation des personnes handicapées comme faisant partie de la diversité humaine, la participation et l’insertion pleines et effectives à la société. Le Comité demande aux Etats d’assurer aux personnes en situation du handicap la possibilité de choisir leur lieu de résidence, leur milieu de vie. Il faut que les personnes handicapées aient accès à une gamme de services à domicile ou en établissement, à des services d’accompagnement, y compris l’aide personnelle nécessaire pour leur permettre de vivre dans la société et de s’y insérer.

Le Comité s’est exprimé à plusieurs reprises sur les institutions pour personnes en situation du handicap. Dans les institutions, les personnes restent hors des environnements d’éducation et de travail réguliers. Par ailleurs, les enfants porteurs de handicap ont besoin de grandir dans une famille. Il faut garantir le soutien nécessaire pour que les personnes handicapées puissent vivre dans la communauté, dans un environnement familial pour les enfants, sur un pied d’égalité avec les autres.

3 Question à

Lucie Pacherie

Juriste à la Fondation Jérôme Lejeune

Des enjeux relatifs à la défense de la vie vont-ils émerger lors de la campagne présidentielle ?

Le député Falorni, auteur de la proposition de loi visant à légaliser l’euthanasie retoquée au printemps, a fait pression sur l’exécutif afin que son texte soit de nouveau inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée. Line Renaud, porte-parole de l’association militant pour l’euthanasie (ADMD), a soutenu le lobbying au Parlement et affirmé l’intention du gouvernement dans un entretien à LCI : « c’est un sujet qui aura sa place dans la campagne électorale ». Le gouvernement attend les recommandations du CCNE qui seront publiées en décembre. De quoi servir le débat politique jusqu’à la présidentielle, en avril 2022.

Et sur l’avortement ?
En septembre, le gouvernement avait laissé entendre qu’il ne favoriserait pas la réinscription à l’ordre du jour de la proposition de loi Gaillot visant à étendre le délai d’IVG de 12 à 14 semaines et à supprimer la clause de conscience. Mais dans le même temps Emmanuel Macron a réaffirmé son soutien à l’avortement lors de la journée mondiale dédiée. Et le président du groupe majoritaire à l’Assemblée,
M. Castaner, a annoncé le retour du texte Gaillot fin novembre. Ce débat devrait être relancé fin novembre à l’Assemblée nationale et au Sénat dans la foulée.

La Fondation Lejeune va-t-elle s’engager dans ce contexte ?
La Fondation ne cesse jamais la veille attentive des enjeux bioéthiques et sociétaux. Elle organise l’évènement annuel de la Marche pour la Vie (dimanche 16 janvier). Cette année, elle coordonne par ailleurs une mobilisation citoyenne de la fédération One of Us afin d’empêcher l’inscription de l’avortement comme valeur de l’Europe à l’occasion de la Conférence pour l’Avenir de l’Europe. Cet évènement dont les conclusions sont annoncées en mars 2022 va servir l’agenda de la présidence française de l’UE à partir de janvier 2022 et l’agenda politique des mois qui suivront. Chacun pourra participer à cette mobilisation, qui sera relayée sur les réseaux sociaux de la Fondation Jérôme Lejeune.

Partager l'article sur