Monseigneur Jacques Suaudeau, docteur en médecine, est responsable de la section scientifique de l’Académie pontificale pour la Vie.
Monseigneur Jacques Suaudeau, docteur en médecine, est responsable de la section scientifique de l’Académie pontificale pour la Vie. Vous êtes membre du comité scientifique du Congrès à Monaco.
Quels sont les enjeux de ce forum ?
Mgr Suaudeau : il y a des enjeux scientifiques et éthiques. Enjeux scientifiques : montrer que les résultats cliniques obtenus grâce aux cellules souches le sont avec les cellules souches adultes et non pas embryonnaires. Il y a des applications anciennes (leucémie) ou en développement (pathologies coronariennes) et des domaines qui s’ouvrent dans les maladies dégénératives, le Parkinson, l’Alzheimer, les myopathies… Si on arrive à bien les dominer, à savoir comment elles fonctionnent, on pourra passer à une médecine régénérative.
Enjeux éthiques : opter pour les cellules souches adultes, on a dit « non, la fin ne justifie pas les moyens ». La bonne science se fait en respectant l’éthique.
Que pensez-vous des travaux en thérapie cellulaire menés par la Fondation ?
Mgr S. : la Fondation Lejeune est respectée dans la communauté internationale parce qu’elle fait de bons choix scientifiques.
Le choix de la Fondation sur les cellules souches procède d’une vision à long terme : les déficiences intellectuelles d’origine génétique au premier rang desquelles se trouve la trisomie 21 sont au centre de ses préoccupations, mais elle sait que pour avancer il faut aussi mener des recherches qui ne semblent pas directement concerner la trisomie. Il faut donc savoir innover, exploiter des approches différentes.
Les cellules souches sont, de ce point de vue, très intéressantes, car elles ouvrent de grandes perspectives au niveau de la recherche fondamentale en matière de biologie cellulaire et tissulaire et au niveau de la thérapeutique, pour ce qui concerne la médecine réparatrice et régénérative, sans oublier la modélisation des pathologies pour la recherche pharmacologique. Tout cela portera des fruits.
En tant que scientifique, que pensez-vous de la recherche d’un traitement de la trisomie 21 ?
Mgr S. : la recherche d’un traitement permettant de prévenir ou de pallier le retard de développement cérébral lié à la trisomie 21 est non seulement essentielle pour venir en aide aux patients et à leur famille, mais également d’un grand intérêt pour la recherche fondamentale et les thérapies de l’ensemble des maladiesde l’intelligence (ce qui comprend les troubles de la mémoire). Certains pourraient dire qu’une telle recherche, bien qu’intéressante, n’est pas toutefois de première urgence, la trisomie 21 n’affectant qu’un nombre limité de personnes. Ceci serait une erreur, car ce serait méconnaître le lien qui existe entre les différentes pathologies touchant à l’intelligence. La trisomie 21 est à ce point de vue exemplaire, car on sait ce qui la provoque, et la mise en évidence des mécanismes conduisant au handicap intellectuel en est d’autant facilitée.
En médecine, rien n’est compartimenté. Si vous faites une recherche sur un type de pathologie, vos résultats vaudront pour d’autres pathologies. Il y a des points communs, par exemple entre la trisomie et une maladie comme le syndrome d’Alzheimer. Pourquoi ce petit chromosome supplémentaire entraîne-t-il un retard dans le développement du cerveau ? Si on arrive à l’expliquer, cela conduira indubitablement à des développements fructueux dans d’autres pathologies neurologiques. La Fondation Jérôme Lejeune est l’un des seuls acteurs de la recherche sur les maladies génétiques de l’intelligence en France.
Comment l’expliquez-vous ?
Mgr S. : la recherche scientifique ne procède pas dans un pur absolu intellectuel, indépendant des modes et des idéologies du moment. Or ces modes et ces idéologies ont une influence assez forte dans notre pays, et cela a concerné plus particulièrement, ces dernières années, l’interruption de grossesse. Celle-ci vise en particulier, sur le plan médical, la prévention de la venue au monde d’enfants affectés par la trisomie 21. Du coup la recherche destinée à traiter ces enfants, peut être déjà in utero, est devenue peu correcte politiquement, et ni les intelligences des chercheurs, ni les fonds publics ne s’y aventurent. Je ne suis pas sûr que cela soit le fait d’une très grande hauteur de pensée.
Une société qui élimine par facilité ces enfants, au lieu de chercher à leur venir en aide, est une société qui va à reculons au niveau moral et au niveau intellectuel. La Fondation travaille beaucoup à restaurer l’image de la personne handicapée, à montrer ce qui peut être fait pour eux…