Actualités de la fondation

Pour l’État, tuer Vincent Lambert était un devoir

Photo de Vincent Lambert
Actualités
Dans les médias
Éditorial
11 Juil 2019 Pour l’État, tuer Vincent Lambert était un devoir

En persistant dans la décision d’arrêt de l’hydratation et de l’alimentation de Vincent Lambert, malgré les injonctions de l’Onu, la France a pris une décision logique, explique Jean-Marie Le Méné, président de la Fondation Jérôme Lejeune, dans Valeurs actuelles : l’inverse aurait supposé de “consacrer le droit à la vie comme une liberté à ‘valeur suprême’”, et donc de remettre en cause les lois Veil et Leonetti.

La France vit de ses idées mortes qui impactent le droit et la médecine.

Tuer Vincent Lambert était un devoir. Comme l’a écrit le procureur général près la Cour de Cassation dans son avis, « consacrer le droit à la vie comme une liberté à “valeur suprême” aurait aussi pour conséquence immédiate la remise en question de la loi dite Léonetti en faveur des malades et des personnes en fin de vie ou encore celle relative à l’interruption volontaire de grossesse ». La phrase est, au sens propre, renversante mais elle est explicite. Ce n’est plus l’avortement et l’euthanasie qui portent atteinte au respect de la vie humaine. C’est le respect de la vie humaine qui menace l’avortement et l’euthanasie. Faire respecter la vie des personnes fragiles devient une exception au droit de les faire mourir qui devient la règle. Le droit n’est plus au service de la justice, mais la justice au service du droit. Triomphe du droit et défaite de la justice. Quarante-cinq ans après la loi Veil qui permet de tuer des enfants handicapés jusqu’au jour de leur naissance, la loi Léonetti permet de tuer des adultes handicapés avant même les jours de leur vieillesse. Il reste à raccourcir le délai de l’agonie, trop pénible, ce qui fera l’objet d’un aménagement technique de la loi. Dans la hiérarchie des normes, les lois mortifères ont de fait acquis une valeur quasiment supra-légale. Elles figureront bientôt dans le bloc de constitutionnalité pour qu’on ne puisse plus les contester. Le droit intègre la vision transhumaniste moderne dans laquelle la vie humaine n’est qu’un matériau à gérer parmi d’autres au sein du grand bouillonnement du vivant.

Ce déshumanisme véhiculé par l’avortement et par l’euthanasie empoisonne peu à peu la médecine hippocratique. Même empoisonnement sémantique pour maintenir la valeur suprême du débat apaisé. Interruption de grossesse au lieu d’avortement. Interruption des traitements au lieu d’euthanasie. Comme si la grossesse ou les traitements pouvaient reprendre, comme s’il fallait adoucir les mots pour adoucir la chose, comme s’il fallait nier la mort pour sauver celui qui l’inflige. Même empoisonnement chimique pour conduire à l’issue fatale. Déshydratation provoquée suivie d’insuffisance rénale, d’accumulation de potassium dans le sang, d’arrêt cardiaque pour Vincent Lambert. Injection de chlorure de potassium dans le cordon ombilical ou dans le cœur de l’enfant handicapé destiné à l’avortement tardif. La mort par défaillance des fonctions vitales est moins suspecte que le coup de grâce. Même empoisonnement des consciences anesthésiées. Sédation profonde et continue pour Vincent Lambert. Analgésie fœtale en cas d’avortement. Pour donner l’illusion que la médecine ne trahit pas sa vocation seconde de combattre la douleur alors même qu’elle trahit sa vocation première de ne pas nuire au patient. Même empoisonnement des sentiments puisque, dans les deux cas, il s’agit d’accorder une mort miséricordieuse à des semblables dont la vie ne mérite plus d’être vécue au yeux du monde. Même empoisonnement des spécialités qui incluent la mort du patient dans la trousse du médecin. La démographie catastrophique de la gynécologie entraine un transfert des responsabilités abortives sur les sages-femmes, beaucoup de médecins ne voulant plus s’en charger. Demain, la gériatrie confrontée à l’accroissement du nombre des personnes âgées et dépendantes, atteintes de diverses démences séniles, isolées, sans famille, connaitra le même sort. La décision d’euthanasie laissée au seul médecin par la loi Léonetti fera exploser cette discipline entre ceux qui prennent soin et ceux qui acceptent de tuer. Dans ce secteur aussi, beaucoup de médecins ne se résoudront pas à « débrancher » leurs patients et on déléguera la tâche aux infirmières.

Enfin, il est difficile de ne pas regretter la position de la Conférence des évêques de France qui explique qu’elle est « contre » l’euthanasie mais « pour » la loi Léonetti, comme elle avait expliqué en son temps qu’elle était « contre » l’avortement mais « pour » la loi Veil. Comment les gens peuvent-ils s’y retrouver ? En cherchant sans doute à bien faire, elle estime Vincent Lambert victime d’une mauvaise application de la loi Léonetti. C’est tout le contraire qui s’est passé, la loi a été bien appliquée, comme n’a cessé de le proclamer lui-même son auteur et comme les surabondantes décisions judiciaires en témoignent.

Le rédacteur de ces lignes, à travers la fondation Jérôme Lejeune, a créé la plus importante consultation médicale d’Europe dédiée aux personnes handicapées mentales. Il observe avec inquiétude le vieillissement accéléré de cette population et la faiblesse croissante de la prise en charge publique. De même qu’il sait par expérience que les enfants handicapés ont été les premières victimes de l’avortement, il a de bonnes raisons de redouter que les adultes handicapés vieillissants ne soient les premières victimes de l’euthanasie.

Partager l'article sur