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Pourquoi la mémoire de Jérôme Lejeune est attaquée. Par Birthe Lejeune

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21 Oct 2014 Pourquoi la mémoire de Jérôme Lejeune est attaquée. Par Birthe Lejeune

Opinion dans le Journal La Croix, publié le 21 octobre 2014.

Par Birthe Lejeune, vice-présidente de la Fondation Jérôme-Lejeune

A 87 ans, je sors de mon silence pour défendre Jérôme Lejeune, mon mari, mort il y a vingt ans. Quelle cacophonie autour de lui et de la découverte de la trisomie 21 ! Et pourtant les archives sont éloquentes. J’ai la chance d’avoir conservé et classé précieusement toutes les correspondances entre les trois protagonistes. Que disent-elles ces archives ? Jérôme est entré dans le service du professeur Raymond Turpin à Trousseau en 1952. Celui-ci lui a confié la consultation des personnes qu’on appelait « mongoliens », et l’a associé à la recherche sur le mongolisme. En 1958, année de la découverte du chromosome de trop sur la paire du chromosome 21, Jérôme n’était pas un novice. Il avait déjà 42 publications à son actif, dont sept sur le mongolisme (appelé depuis trisomie 21) et sa consultation était réputée.

Quand Marthe Gautier, vingt ans après la mort de Jérôme, conteste son rôle dans cette découverte, elle oublie de dire que Jérôme travaillait depuis des années en étroite collaboration avec le professeur Turpin qui le considérait comme le principal moteur de la recherche. C’est Raymond Turpin qui a proposé à Jérôme d’être le premier signataire de la publication. J’ai une lettre de Turpin à Jérôme d’octobre 1958 qui le félicite pour son travail et constate que Marthe Gautier en est encore à compter 46 chromosomes, alors que Jérôme, qui notait toutes ses observations dans son carnet de laboratoire, en avait compté 47 pour la première fois en mai 1958 sur un patient. Une autre lettre, de Marthe Gautier à Jérôme, lui demande de se dépêcher de rentrer de voyage pour faire avancer les travaux de recherche. En lisant la correspondance, toujours courtoise, on voit bien le rôle et l’apport de chacun. Marthe Gautier sait bien que tout au long de sa carrière Jérôme ne l’a jamais oubliée dans ses remerciements. Il suffit de relire le texte de la leçon inaugurale de 1965. Objectivement, l’étude des archives contredit les propos récents de Marthe Gautier.

Alors pourquoi cet acharnement contre Jérôme aujourd’hui ? La raison en est simple. Il était généticien, et à ce titre, il savait que la vie commençait à l’instant précis de la conception. Il était médecin de l’école d’Hippocrate, et à ce titre il refusait de supprimer la vie des êtres humains dès lors qu’ils étaient conçus. En 1969, à San Francisco, le jour de la remise du William Allen Memorial Award, il dénonça publiquement les menaces de la science sur la vie et les dérives de la culture de mort.

Ce discours fit scandale mais son courage et sa cohérence forcèrent l’admiration de tous. Tout en continuant ses recherches, il avait pris le risque de se mettre à dos certains scientifiques pour rester libre de défendre l’être humain commençant, unique, vulnérable. Il savait qu’il risquait de passer à côté du prix Nobel. Il était courageux et j’étais fière de lui. Et ses prises de position ne lui seront jamais pardonnées ! L’opposition à la personne de Jérôme aura attendu des années après sa mort pour ressortir ; aujourd’hui, elle se manifeste en s’attaquant à l’homme et en le faisant passer pour un opportuniste et un usurpateur. Sans qu’il puisse se défendre, il s’agit de discréditer un homme qui s’est opposé à une médecine sélective et à une recherche mortifère, et ce faisant, ridiculiser son engagement au service de la vie. À 87 ans, je ne suis pas prête à baisser les bras et laisser insinuations et contre-vérités ternir l’image de celui qui a servi ses patients et les personnes les plus vulnérables de toute son intelligence et de tout son cœur. N’oublions pas qu’il a été une fierté pour l’AP-HP et la recherche française. Comment peut-on croire qu’une voix discordante ait raison – seule – contre les milliers de patients qu’il a soignés et de familles qu’il a réconfortées, contre les centaines de collègues qu’il a fréquentés, souvent édifiés par ses qualités intellectuelles et morales, contre les centaines de pairs, de comités de lecture, de jurys divers français et étrangers qui ont examiné sa production scientifique pendant quarante ans, contre les dizaines d’académies et d’universités qui l’ont accueilli et lui ont rendu hommage dans le monde entier ? La vérité dérangeante est qu’il a été un signe de contradiction. Devant le mensonge qui tue, son honneur a été de ne pas se taire. Mais son œuvre et sa réputation lui rendent témoignage.

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