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Quelle place dans nos sociétés pour l’enfant différent ?

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17 Juin 2022 Quelle place dans nos sociétés pour l’enfant différent ?

Jonathan Matijas et Shana Kress, un couple d’influenceurs aux millions de followers et familiers des programmes de téléréalité, semblaient avoir tout pour être heureux : amour, argent, notoriété. Habitués à partager leur vie sur les réseaux sociaux, le couple annonçait le 1er mai 2022 attendre des jumeaux.

Mais le 10 juin dernier, le couple apprend que l’un des deux enfants serait porteur d’une  trisomie 21. Jonathan et Shana s’empressent de partager cette difficile nouvelle à leur communauté, et annoncent souhaiter procéder à une interruption sélective de grossesse, c’est-à-dire à l’arrêt du cœur du bébé porteur de trisomie 21. Ce geste lourd de conséquences, signifie que le jumeau encore en vie devra vivre et se développer à côté de son frère ou sa sœur, mort. Ils expliquent leur choix dans un long texte publié sur Instagram : « La vie reste belle, c’est la décision la plus difficile de notre vie, mais c’est la nôtre […] »

Un flot de réactions et de témoignages sur les réseaux sociaux

Cette fameuse publication a fait réagir des milliers de personnes sur les réseaux sociaux. Autant des messages de soutiens de fans, que d’autres exprimant leur incompréhension : « La vie de ton bébé n’est pas la tienne, pourquoi l’a lui ôter ? » ou bien « C’est dommage…un bébé trisomique n’a pas le droit à la vie c’est très triste ».

D’autres font preuve d’empathie, de réconfort et de conseil, comme par exemple celui de Clotilde Noël, mère de famille à l’origine de la communauté « Tombée du nid » et ayant adopté une petite fille porteuse de trisomie : « Chère Shana, j’aimerai te prendre dans mes bras, je comprends tellement tes peurs et ta tristesse. Nous sommes dispos pour vous si vous voulez rencontrer d’autre familles. […] Votre histoire est belle, ne l’oubliez pas […] la vie sait ce qu’elle fait, la vie ne dépose rien au hasard car elle sait votre force […] Nous sommes disponibles pour vous. ». La toute jeune association M21, qui accompagne et écoute les parents suite à l’annonce de la trisomie 21, a également commenté : « Nous sommes là pour vous […] Nous ne sommes pas là pour influencer un choix, mais pour apporter un soutien psychologique et répondre à toutes les questions que vous vous posez. ».

Alice Drisch, la fondatrice de l’association, commente elle aussi, cette fois-ci en son nom propre : « Si j’étais près de vous, la deuxième chose que je vous dirai c’est : ne vous inquiétez pas […] Moi-même, maman d’un petit Isaac, je ne me serais jamais douté que ma vie serait aussi lumineuse grâce à lui […] c’est un autre choix de voyage que votre enfant vous propose…ce choix de voyage, personne ne pourra le faire à votre place. La seule chose que je vous souhaite, c’est que ce choix soit fait avec toutes les cartes devant vous ».

Quelle place pour l’enfant différent aujourd’hui ?

Au-delà des potentielles séquelles qui ne manqueront pas de marquer la vie de l’enfant survivant, cette histoire nous amène à nous poser la question de l’accueil de l’enfant différent dans la société. À l’image des Cafés Joyeux, beaucoup de belles initiatives voient le jour et bénéficient d’une certaine visibilité dans l’espace public (campagnes d’affichage, téléfilm etc.). Mais qu’en est-il de l’accueil du handicap avant la naissance ? Est-il encore possible aujourd’hui d’accepter que l’enfant qui arrive puisse être imparfait, non conforme, qu’il ne réponde à aucun plan ? Quelle place voulons-nous réserver à la différence dans nos sociétés modernes ? Souhaitons-nous une humanité parfaite ? Et si une personne porteuse de trisomie 21 tombait sur ce post sur les réseaux sociaux ? Que comprendrait-elle ? Que sa vie vaut moins que celle d’un autre ? Qu’elle ne vaut pas la peine d’être vécue ?

Pourtant, nombreux sont les témoignages de parents qui révèlent qu’après le tsunami de l’annonce de la trisomie 21, c’est, malgré les difficultés liées au handicap, les joies simples d’une vie presque banale et heureuse qui s’invitent dans le quotidien de ces familles. Jean-Philippe et Elisabeth Debergh ont accueilli en 2018 des jumeaux, Gabriel et Christian, ce dernier étant porteur de trisomie 21. Ils partagent leur quotidien sur leur compte Instagram « x3ordinaire ». À la question « Que dire à des parents confrontés à l’annonce de la trisomie 21 ? », Jean-Philippe répond : « En tout premier, on peut leur dire que la vie est possible et qu’elle peut même être belle […] Il y a plus qu’une vie possible, il y a une vie heureuse surtout ! ». Elisabeth, son épouse continue « Il faut se faire confiance et faire confiance à son enfant ». D’autres témoignages de parents d’enfants porteurs de trisomie 21, que l’on retrouve en commentaires du post de Shana, sont également éloquents : « Je suis l’heureux papa de jumeaux dont l’un est atteint de trisomie 21. […] certains commentaires m’interrogent et me blessent. […] Il est non seulement faux mais aussi indécent de vous féliciter de votre choix sous prétexte que l’existence des parents d’enfants handicapés est invivable. Ma vie et celle de mon épouse est riche, intense, mais nous ne la regrettons pas ».

Laissons François, 21 ans et porteur de trisomie 21, conclure cette réflexion sur la place que des personnes porteuses d’un handicap dans la société : « J’ai tout comme vous, simplement un chromosome en plus. J’ai le droit de vivre ! Ma vie est belle. La médecine et la science doivent nous soigner et nous guérir, pas nous rejeter. »

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