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Recherche sur l’embryon : déballage des revendications

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29 Juin 2018 Recherche sur l’embryon : déballage des revendications

France Catholique n° 3593 29 juin 2018

Le débat sur la « PMA pour toutes » a caché les principaux enjeux de la prochaine révision de la loi de bioéthique. Cette thématique a submergé la scène médiatique, masquant ce qui se jouait réellement en coulisses. Invisible et insignifiant, derrière la scène, l’embryon humain sera, une fois de plus, la victime silencieuse de cette révision de la loi de bioéthique.

IL EXISTE un lien direct entre la pratique de la PMA et la recherche sur l’embryon humain puisque la pratique de la PMA en France a créé un stock d’embryons « disponibles » : les embryons surnuméraires. Dans le cadre d’une FIV, les techniciens produisent de 4 à 10 embryons pour n’en transférer qu’un ou deux. Les autres sont congelés en attente d’un éventuel projet parental, d’être donnés à la recherche ou bien d’être détruits. Cela représente un « stock » conséquent de plus de 220 000 embryons. Ils sont suspendus dans le temps, entre une hypothétique adoption, un possible « recyclage » et une destruction pure et simple.

Un embryon c’est déjà presque rien, un embryon surnuméraire ce n’est plus rien du tout, un embryon surnuméraire dépourvu de projet parental c’est encore moins que rien, avais-je déjà fait remarquer après les débats sur la loi de bioéthique de 2011. En l’état, ils sont inutiles. Pourquoi ne pas les rendre utiles ? Cet aveuglement ontologique sur leur nature les rend disponibles à toutes sortes de convoitises. L’industrie procréative et les laboratoires pharmaceutiques les instrumentalisent dans le cadre de nombreux projets.

Ces états généraux de la bioéthique ont été l’occasion pour les représentants du scientisme et du marché de formuler leurs projets au grand jour. C’est un grand déballage de revendications.

Cécile Martinat a été l’une des plus ex plicites. Dans la contribution écrite qu’elle a rédigée en tant que présidente de la French Society for Stem Cell Research (FSSCR), elle a fait part de ses souhaits :

– exclure les recherches sur les cellulessouches embryonnaires (CSEh2) du périmètre de la loi sur la recherche sur l’embryon (c’est-à-dire en faire des objets sans aucune protection) ;

– supprimer de la loi la nécessité de prouver que les recherches sur les CSEh ne peuvent pas être menées avec une autre méthode d’efficacité comparable (c’est-à-dire choisir le matériau le moins cher, en l’occurrence l’embryon humain) ;

– ouvrir la porte à des technologies innovantes telles que : « la création de pseu do-embryons par agrégation de cellules pluripotentes avec des cellules trophoblastiques », ou encore « la création d’embryons inter-spécifiques grâce à l’injection de CSEh ou de cellules iPS dans des embryons animaux par fusion de gamètes obtenus à partir de CSEh et de cellules iPS » (c’est-à-dire créer des monstres par dépeçage d’embryons humains).

Pour Cécile Martinat, les CSEh ont des applications très nombreuses, notamment « dans l’industrie pharmaceutique pour tester l’efficacité et la toxicité d’un nouveau médicament en évitant largement l’utilisation à des tests chez l’animal ». La recherche sur l’embryon est l’alternative « morale » au recours aux animaux de laboratoire pour le plus grand profit du marché.

Lors de son audition par la commission des Affaires sociales du Sénat, le biologiste Laurent David a établi un lien de cause à effet entre la PMA et la recherche sur l’embryon : « On fait de la recherche sur l’embryon parce que l’on fait de la fécondation in vitro. » D’ailleurs, la recherche sur l’embryon sert souvent à améliorer l’efficacité des FIV. Et les FIV servent à donner du matériau à la recherche. C’est un cercle parfait, et Laurent David le souligne : « il faut une recherche qui suit l’acte clinique. […] Personnellement, j’adhère assez bien au modèle belge […] avec le droit de créer des embryons pour la recherche pour savoir comment faire des embryons pour les couples infertiles ».

Laurent David envisage pour cela de poursuivre la libéralisation du régime de recherche sur l’embryon. Il demande de « clarifier la loi au niveau de la terminologie, préciser quel est le statut de l’embryon […] ». Il part du principe que « l’embryon n’a pas de statut particulier » et propose une « piste de réflexion » : c’est le débat sur pré-embryon. Parler de « pré-embryon », comme les Anglo-saxons, serait pour lui un bon exemple à partir du moment où il n’y a pas de système nerveux.

« Cet aveuglement ontologique sur leur nature les rend disponibles »

L’intervention de ces experts a évidemment beaucoup de poids pour le législateur qui n’y connaît rien et qui sait, depuis la loi Veil, que l’embryon n’est plus considéré comme un être humain à part entière puisqu’il peut être détruit à tout moment. Les états généraux de la bioéthique comprenaient neuf thèmes, mais tous ne figureront pas dans la loi. Lors de la remise du rapport à l’oPECSt le 7 juin dernier, le président du CCnE, Jean-François Delfraissy, met en garde : la « PMA pour toutes » et la fin de vie « ne relèvent pas de la bioéthique, et ne relèveront donc peut-être pas de la loi de bioéthique ».

Alain Milon, président de la commission des affaires sociales du Sénat, abonde dans ce sens : « Je crois que les lois de bioéthique doivent concerner la bioéthique, et non pas les débats sociétaux. » C’est vrai. Mais il s’agit peut-être d’une diversion. Pour éviter un nouveau conflit politique, le gouvernement et les parlementaires pourraient être tentés de sortir la « PMA pour toutes » et l’euthanasie de cette loi de bioéthique. Ils auront ainsi gagné l’apaisement tant recherché. Les milieux pro-famille seront heureux d’avoir gagné sur ces questions de société.

Ce serait une fausse victoire. Car le champ serait libre pour faire passer les dispositions les plus graves relatives à l’embryon humain et à l’eugénisme, dans l’indifférence la plus complète. L’embryon humain est la variable d’ajustement du jeu politique.

par Jean-Marie Le Méné

 

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