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Témoignage exceptionnel de Wanda Półtawska

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Portrait
24 Jan 2022 Témoignage exceptionnel de Wanda Półtawska

Le 2 novembre 2021, Wanda Półtawska a fêté ses 100 ans. Vous connaissez cette femme polonaise, rescapée du camp de Ravensbrück, devenue médecin psychiatre puis proche amie de Jean-Paul II et de Jérôme Lejeune. En 2004, nous avions pu l’interviewer au Vatican. à l’occasion de son anniversaire et pour les étudiants de la Master class qui l’ont élue marraine de promotion, voici un extrait de cet entretien bouleversant… Des confidences où elle dévoile une expérience radicale de vie et de mort.

Propos recueillis par Aude Dugast et Karin Le Méné

En 1975, j’ai rencontré le Pr Lejeune à un congrès. Tout ce qu’il disait me plaisait. C’était l’unique savant que je connaissais qui voyait toutes choses sous la lumière de Dieu. Et il argumentait avec des preuves génétiques. Nous avons été amis tout de suite.

J’aimais sa façon de parler, avec humour, de façon très claire. Il avait le talent d’argumenter facilement et simplement de telle sorte qu’après il n’y avait plus besoin de discussion. Tout le monde comprenait… Il était intelligent et en même temps très humble. Il était vrai, authentique.
Sa disponibilité était extraordinaire. Quand le vote sur l’avortement est passé au Parlement en Pologne, je l’ai appelé. Il revenait de Munich. Il a sauté dans un avion pour Varsovie.

J’ai passé 4 ans et demi en camp de concentration, à Ravensbrück. J’étais condamnée à mort. Six SS sont venus m’arrêter parce que j’étais cheftaine dans les scouts. J’avais 18 ans. Ce fut le choc de la rencontre du mal. La veille, ils avaient arrêté 13 chefs scouts. Ils ont été fusillés tous les 13. « Demain, je me suis dit, c’est moi. »

à Ravensbrück, j’ai été traitée dans un groupe d’expérimentation, un groupe condamné à mort. 73 jeunes filles. Mes amies ne peuvent pas comprendre pourquoi elles ont souffert. Elles accusent Dieu. Moi je n’ai jamais demandé « pourquoi ». La vie est comme ça. Le plus extraordinaire est que je vive. J’ai été rejetée comme morte, comme cadavre. J’ai entendu un médecin dire « elle est morte ». Je vivais mais n’en avais pas de signe extérieur. La mort clinique ce n’est pas la mort… Plus tard une amie a vu que je bougeais le bout d’un doigt. Cela m’a sauvée. J’ai observé les SS avec les femmes enceintes. Il n’y avait pas d’avortement programmé pour ne pas ralentir le travail des femmes. Ils laissaient les enfants naître, et ensuite les jetaient au feu… J’ai décidé que, si je m’en sortais, je ferais tout pour sauver les enfants.
Quand on peut tuer des millions de personnes, la vie perd sa valeur. Jusqu’à présent, on n’a pas bien compris la valeur de la vie. On ne peut comparer la vie à rien d’autre.

J’avais 23 ans en sortant de Ravensbrück. Je me suis mariée et j’ai été à l’université de médecine de Cracovie. Karol Wojtyla y était aumônier. Notre amitié est née ainsi. Nous allions tous les jours à la Messe. Quand il est devenu évêque, il a créé des groupes de théologie de la famille. J’ai été directrice pendant 40 ans de l’Institut de la famille.

Pour faire les bons choix de vie, je donne un exemple : des médecins ont été condamnés à mort pour crime contre l’humanité, en raison des euthanasies et expérimentations qu’ils ont faites. Un autre groupe de médecins a créé dans le Ghetto de Varsovie un hôpital et quand le Ghetto a été fermé, tous les patients sont morts de famine. Ces médecins sont restés avec leurs patients et sont morts avec eux. Ces deux groupes de médecins étaient collègues avant la guerre… Ils étaient étudiants dans la même université, dans les mêmes classes… Ils ont choisi leur camp. Comme eux, choisissez votre camp.

Le point commun entre Karol Wojtyla et Jérôme Lejeune c’est la poésie. La poésie veut dire qu’on voit plus loin, plus haut… Le Saint Père dit qu’il « faut ouvrir les yeux de l’âme ». Je crois que Jérôme le faisait. Ils étaient tous les deux très sensibles à la beauté du monde. Il y avait une communion, une unité d’âme entre eux.

J’étais à table avec le Saint-Père quand Mgr Dziwisz nous a appris la mort de Jérôme Lejeune. Ce fut pour le Saint-Père un choc terrible. Avec un geste de la main il dit : « Mon Dieu, j’ai besoin de lui… »

Les défenseurs de la vie ne sont pas nombreux dans le monde. Mais il suffit de quelques-uns pour espérer. Dans ce camp, il n’y en a pas beaucoup prêts à donner leur vie.

On ne rencontre pas souvent d’homme comme Jérôme Lejeune.

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