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Tribune dans la Croix : « L’embryon entre lubies et lobbies »

JMLeMéné
Dans les médias
08 Fév 2011 Tribune dans la Croix : « L’embryon entre lubies et lobbies »

JMLeMénéImaginer faire de l’embryon humain – produit, trié et déstructuré – un réservoir illimité de cellules à vocation thérapeutiques est un rêve. L’embryon humain est d’abord victime de lubies. Si ce propos n’émanait que de moi, j’admettrais qu’il puisse être tenu pour suspect. Mais ce n’est pas moi qui le dis. Ce sont les scientifiques les plus concernés. Tandis qu’à leur demande expresse la loi de 2004 a autorisé la recherche sur les cellules embryonnaires dans la perspective de « progrès thérapeutiques majeurs », ce sont les mêmes scientifiques qui exigent aujourd’hui le retrait du mot thérapeutique. Pourquoi ? C’est simple : parce qu’ils n’y croient pas. Comment expliquer alors qu’ils y croyaient si fermement en 2004 ? Mais ils n’y croyaient pas davantage, ils n’y ont jamais cru du tout ! Le plus extraordinaire est qu’on apprend, à la lecture du rapport de la mission parlementaire sur la bioéthique, que les partisans de la recherche sur l’embryon ont volontairement circonvenu la représentation nationale, qu’ils s’en prévalent et qu’ils l’assument. Lisez le rapport, il est édifiant : « c’était idiot parce qu’on savait que ça n’avait pas de réalité », « on a beaucoup joué là-dessus », « les scientifiques, pour nous pousser, disaient qu’ils étaient presque prêts »… Il fallait faire croire à tout le monde que la thérapie cellulaire à partir de l’embryon, c’était pour demain. La manœuvre ayant pour seule finalité d’obtenir une faille dans le principe du respect de l’embryon humain et d’entrouvrir la porte de son exploitation à des fins mercantiles. Une porte que personne n’aurait jamais le courage de refermer : il suffit de qualifier d’obscurantisme la plus légère velléité de retour à la raison. C’est d’ailleurs une arme que M. Léonetti, rapporteur de la commission spéciale bioéthique, a inexplicablement utilisée.

L’embryon est ensuite victime de lobbies. Quelles sont les forces qui se mobilisent en faveur d’une plus grande libéralisation de la recherche sur l’embryon ? Sont-ce des associations de malades ? Des parents meurtris ? Des médecins de ville, hospitaliers, humanitaires ? Non. Des chercheurs argumentant sur une base scientifique, des sociétés savantes ? Pas davantage. Seule la bannière du marché – celui de la fécondation in vitro et de l’industrie du médicament – rallie les promoteurs de la recherche sur l’embryon. Pour améliorer les performances de la procréation assistée comme pour tester la toxicité des nouveaux produits il faut pouvoir « consommer » de l’embryon. Oserons-nous rappeler – avec la communauté scientifique – que les embryons des grands singes feraient fort bien l’affaire s’il n’était pas interdit d’y recourir ? On peut toujours expérimenter sur l’embryon humain faute d’avoir le droit d’expérimenter sur l’animal mais, dans ce cas, disons-le clairement. Et soumettons cette curieuse percée éthique à l’appréciation de nos contemporains… Enfin, il y aurait une inconséquence historique à méconnaître les applications de la découverte des cellules reprogrammées (ou iPS) en 2006 qui a renversé les perspectives. La loi de 2004, avec prudence, recommandait de passer en revue les « recherches alternatives d’efficacité comparable » avant de se résoudre à utiliser l’embryon humain. Mais c’était avant la découverte des iPS. Depuis 2006, si on ne connaît pas encore ce que nous réservent les iPS en clinique, en revanche on sait qu’elles sont capables de répondre aux besoins de modélisation de pathologies que recherchent légitimement les industriels du médicament, qu’elles sont beaucoup plus accessibles que les cellules embryonnaires et n’entraînent aucun dommage éthique.

Seul le prochain débat au Parlement pourra faire toute la lumière sur l’argument financier qui, par déduction, reste l’explication inavouée conduisant à réclamer un assouplissement des conditions de la recherche sur l’embryon alors que – scientifiquement – il n’a jamais été moins nécessaire qu’aujourd’hui de céder à cette tentation.

Comme on le voit, la biomédecine est une question trop sérieuse pour être seulement confiée à une agence du même nom qui s’illustre par des choix coïncidant avec ceux du scientisme et du marché. Pour donner à l’embryon humain une chance de survivre aux lubies et aux lobbies, on ne peut compter que sur l’indépendance de la représentation nationale.

Jean-Marie Le Méné
Président de la Fondation Jérôme Lejeune

Tribune publiée dans le journal La Croix.

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