Nous obéissons aux lois issues de la volonté générales et aux lois non écrites. Or, celles-ci sont l’objet d’assauts de tous les bords politiques.
Les Grecs se différenciaient des barbares en ce qu’ils ne s’estimaient « esclaves ni sujets de personnes », selon Eschyle. Ils étaient libres parce qu’ils n’étaient soumis qu’à une seule souveraineté, celle de la loi. Mais celle-ci n’avait pas grand-chose à voir avec l’expression rousseauiste de la volonté générale. La souveraineté de la loi était d’abord celle des lois non écrites, que Sophocle décrivait en ces termes : « Aucun être mortel ne leur donna le jour, jamais l’oubli ne les endormira, un dieu puissant est en elles, un dieu qui ne vieillit pas. »
Ces lois non écrites, transmises par les anciens, témoignaient des conditions requises pour vivre en paix dans la société (ne pas tuer, ni voler, ni mentir, etc.). Au-dessous d’elles, les lois écrites réglaient les institutions, en s’efforçant de s’inscrire dans cet ordre raisonnable du monde dont les Grecs avaient l’intuition. Être grec, c’était « ne pas vouloir être au dessus des lois », dans la mesure ou celles-ci tiraient leur légitimité des lois non écrites. Être grec, c’était être libre de ce qui altère l’ordre du monde.
A contrario, c’est de la transgression des lois non écrites que les hommes politiques d’aujourd’hui tirent une grande partie de leur légitimité. Lerus campagnes électorales, pour avoir une chance de se distinguer, sont fondées sur des surenchères qui violent les conditions d’une vie sociale juste et paisible. Ainsi en a-t-il été des promesses en matière de mariage homosexuel, d’atteintes multiples à la vie commençante et à la vie finissante. En 2012-2013, les premières mesures politiques d’envergure ont atteint des sommets de transgression, avec la remise en question de l’altérité sexuelle dans le mariage et du droit des enfants à avoir un père et une mère.
A peine l’indignation était-elle retombée qu’une seconde rafale de mesures, encore plus violente, s’attaque au début de la vie humaine : libéralisation de la recherche détruisant l’embryon humain, en juillet, banalisation de l’avortement comme droit ordinaire, en septembre, dépistage eugéniste recentré sur la cible de la trisomie 21 et annoncé dans les mois qui viennent? Sans parler des perspectives de la procréation médicalement assistée, de la gestation pour autrui et de l’euthanasie…
La coupe étant pleine, on aurait pu penser que les candidats potentiels savaient à quoi s’en tenir pour briguer la magistrature suprême. Or l’information récente nous dépeint un Nicolas Sarkozy travaillant sous les couleurs du progrès. Très bien. Mais derrière ce mot, il y a des exemples, et parmi eux on trouve – le croiriez vous ? – La recherche sur l’embryon ! Les bras vous en tombent. Pour trois raisons. D’abord cette recherche vient de faire l’objet d’une libéralisation à la fois libertaire et liberticide par les socialistes après un combat homérique d’opposition. Que peut-on fait de plus dans le registre du « déshumanisme » ou de pire dans celui du désaveu de son propre camp ?
Ensuite, il a été démontré – Prix Nobel de médecine en tête – que l’obsession de la recherche sur l’embryon est un affront à la rigueur scientifique : qu’on se reportet à la tribune du professeur Arnald Munnich, parue dans Le Monde du 7 août 2013, dans lequel l’ancien conseiller scientifique du président Sarkozy regrettait la libéralisation récente de la recherche sur l’embryon sous le titre : « Cellules souches : un fragile équilibre pulvérisé ».
Enfin, faire mourir des êtres humains avant la naissance est homicide par définition et toujours injustifiable, si haute soit la finalité poursuivie. Encore une fois, un projet politique – dès le stade de l’annonce – puise sa reconnaissance dans la profanation des lois non écrites. Ce passage obligé de la politique par l’institutionnalisation de la violence et une régression qui nous tue, dans tous les sens du terme. Rappeler qu’on est loin de la sagesse des Grecs est un euphémisme.