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Tuer l’homme pour sauver sa dignité ?

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Éditorial
21 Nov 2022 Tuer l’homme pour sauver sa dignité ?

Edito de Jean-Marie Le Méné de la lettre de la Fondation N°130

Dans Les racines du ciel, Romain Gary a montré que, pour sauver l’éléphant, on pouvait tuer l’homme. Ce roman magnifique n’avait aucune prétention idéologique. Mais la question se pose toujours de savoir au nom de quelle idole il faut tuer l’homme. Pour sauver autre chose. La biodiversité, les comptes de la Sécu ou le bonheur. Ce qui nous est présenté aujourd’hui est de la plus grande noblesse. Il faut tuer l’homme pour sauver sa dignité. Car sa dignité est menacée s’il meurt mal. Et il paraît qu’on meurt mal en France, depuis toujours. En faisant mourir l’homme dignement, grâce à l’assistance de professionnels, enfin on mourra mieux. Ainsi, pour sauver l’homme de l’indignité, il faut le tuer médicalement, avec sérieux. Le chantier a été lancé en grande pompe. Dorénavant sont proposés à notre admiration de nouveaux modèles de vertus, celles des intrépides qui ont euthanasié leurs parents avec tendresse en bravant une cruelle interdiction légale. Devant une entreprise aussi triomphante, il n’y a pas d’opposition dont l’efficacité soit garantie. Mais trois attitudes – à éviter – renforcent objectivement les zélotes de l’euthanasie.


Le pacifisme ne résiste pas à la satisfaction d’un débat apaisé, d’un échange lénifiant, d’un dialogue fraternel. Il préfère perdre que contrarier un adversaire qui n’en est plus un puisqu’il n’y a aucune raison qu’il n’ait pas raison lui aussi. La vérité est un horizon vers lequel il faut tendre mais qui reste inatteignable. Ici la fin est sacrifiée aux moyens.


Pour l’idéalisme, il suffit de développer les soins palliatifs pour mettre en échec l’euthanasie. Mais souhaiter davantage de soins palliatifs sans en partager une juste définition est illusoire. Car l’euthanasie, pour ses partisans, fait partie des soins palliatifs. Qu’importe, personne ne sera obligé de recourir à l’euthanasie ? Si la mort devient un mode de soulagement de la souffrance, les premières victimes de l’euthanasie seront les soins palliatifs.


Enfin, le légalisme croit trouver un frein à la transgression dans les limites de la loi. Or il existe un continuum inéluctable entre arrêt de la nutrition et de l’hydratation accompagné de la sédation terminale d’une part et euthanasie d’autre part. Si la loi Léonetti a autorisé la médecine à anticiper la mort, pourquoi ne pas lui permettre de la précipiter ? Et ramener à quelques heures une agonie de quelques jours.


Les limites se franchissent, pas les principes.
En aucune circonstance, donner la mort n’est un geste médical.

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