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Un Camerone bioéthique

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17 Juin 2021 Un Camerone bioéthique

D'aucuns pensent que la loi de 2021 trahit les “bonnes intentions” des lois précédentes placées sous le signe de la “dignité”. Il serait temps de comprendre que les lois de bioéthique n'ont jamais eu d'autre ambition que d'arracher la biologie à l'éthique.

Le dernier débat à l’Assemblée fut un Camerone bioéthique. Une poignée de députés se sont battus comme les légionnaires sous le feu des Mexicains en 1863, sans le moindre espoir de gagner un pouce de terrain, mais avec l’unique honneur de tenir jusqu’au bout. Naturellement, l’extension de la PMA sera votée ainsi qu’une série de mesures plus menaçantes, telles que la priorisation de la recherche sur l’embryon, la transgénèse, les chimères, les banques d’ovocytes, et j’en passe. Bien sûr, chez les opposants, c’est l’effarement. Encore une énième défaite sociétale. Mais le plus inquiétant réside dans l’incapacité d’un grand nombre à comprendre ce qui se passe depuis plus d’un quart de siècle et dans l’impossibilité de s’y opposer efficacement. En effet l’indignation exprimée est souvent mal fondée et dangereuse. Beaucoup estiment que la loi de 2021 trahit les “bonnes intentions” des lois précédentes, qui auraient été placées sous le signe de la “dignité”. La loi actuelle serait un coup de poignard dans la “bioéthique à la française”. Notre “cathédrale bioéthique” serait en feu. D’où le recours incantatoire à la “rupture anthropologique” pour décrire la seule PMA pour toutes. 

La loi actuelle serait un coup de poignard dans la “bioéthique à la française”. Notre “cathédrale bioéthique” serait en feu. D'où le recours incantatoire à la “rupture anthropologique” pour décrire la seule PMA pour toutes.

S’il y a ruptures anthropologiques, au pluriel, elles ne datent pas d’hier mais du jour où le “projet parental” a remplacé l’enfant, où l’embryon a été exclu du respect dû à tout être humain, où “l’encadrement des dérives” a donné le droit à ceux qui le violaient. C’était en 1994. De très rares observateurs, dont le Pr Lejeune, avaient vu que cette première loi bioéthique, en sapant les bases de l’engendrement, ne protégeait de rien et exposait à tout. Sélection cruelle des embryons, destruction implacable des imparfaits, conservation glacée des meilleurs, vivisection morbide des plus utiles. Faire, défaire, refaire, parfaire l’être humain, pour le façonner en vue d’un nouvel ordre qui n’est pas le nôtre. Quand de telles pratiques sont qualifiées de “dignes” et “bien intentionnées”, au motif qu’elles seraient médicales, il y a peu de raisons de s’inquiéter de la législation en cours, qui n’est que le déploiement des lois précédentes. Comment accepter le principe des transgressions et en contester les applications inévitables ? S’il est “digne” et “bien intentionné” de produire et trier des embryons pour le congélateur, la paillasse de labo ou la poubelle, plus rien n’est indigne ni mal intentionné dans ce continuum de l’industrie procréative. Il serait temps de comprendre que les lois de bioéthique n’ont jamais eu d’autre ambition que d’arracher la biologie à l’éthique ou, pour le dire comme Olivier Rey, de “rendre éthique ce qui ne l’est pas” à des fins idéologiques et mercantiles, qui n’ont rien de philanthropique. À ceux que le caractère soudainement dérangeant de la loi de bioéthique pousse aux imprécations tardives, on rappellera la réplique de Bruno Cremer à Jacques Perrin, dans la 317e Section : “Qu’est-ce que ça veut dire dégueulasse ? C’est la guerre.” 

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