« Nous, personnes handicapées, malades ou âgées, refusons la violence d’un droit à mourir qui nous condamne ». Dans une tribune publiée par Le Figaro, 110 signataires, directement touchés ou confrontés à la maladie, au handicap ou au grand âge, répondent au Manifeste de 109 personnalités publié par L’Obs en mars dernier. Ces 109 personnalités réclamaient la légalisation de l’euthanasie. 110 citoyens anonymes expliquent aujourd’hui dans Le Figaro que « légaliser l’euthanasie » conduit à « suggérer que nos vies, parce qu’elles sont limitées physiquement et souvent douloureuses, sont un poids inutile ». Aussi, elles refusent « la légalisation d’un droit à mourir à la demande, parce qu’il finira par s’imposer à nous comme un devoir de mourir ».
La Fondation Jérôme Lejeune rejoint leur extrême préoccupation.
Si Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée aux Professions de santé chargée de « co-construire » le projet de loi se veut rassurante, annonçant la mise en place de garde-fous, l’expérience montre que ces semblant de digues d’aujourd’hui sont déjà les transgressions de demain. Belgique, Pays-Bas, Canada… la légalisation d’un droit de tuer conduit au pire : de l’euthanasie de mineurs à celles de personnes en détresse psychologique ou « fatiguées de vivre ».
Comme l’exprime Lucie Pacherie, porte-parole de la mobilisation contre l’euthanasie Tout Mais Pas Ca ! : « Il ne peut en être autrement : supprimer l’interdit de tuer au fondement de notre civilisation et du « vivre ensemble », c’est fragiliser collectivement toutes les vies présentant une forme de vulnérabilité. C’est fabriquer un impensé collectif imposant dans la réalité une loi du plus fort ».
Relativiser l’interdit de tuer, c’est établir une hiérarchie entre les personnes en fonction de la qualité subjective de leur vie. En 2016, l’avocate Jacqueline Herremans, présidente de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD Belgique), ne disait pas autre chose quand elle affirmait que l’avortement d’un enfant trisomique était « une démarche altruiste », ajoutant : « Je trouve fabuleux qu’on puisse ainsi éviter de créer du malheur ». Le début de la vie des personnes porteuses de trisomie 21 est déjà menacé ; qu’en sera-t-il de leur fin de vie quand nombre d’entre eux est à risque de développer précocement une maladie d’Alzheimer ?
Ce scénario ne relève plus de la science-fiction, il se joue déjà sous nos yeux. Aux Pays-Bas, une étude publiée le 23 mai 2023 par la Cambridge University Press[1], a révélé à partir d’un échantillon portant sur 1,5% des cas, qu’au cours de l’année 2021-2022, 39 personnes porteuses de déficiences intellectuelles ou de troubles autistiques ont été euthanasiées, dont 8 personnes au simple motif de leur déficience intellectuelle ou de leur trouble du spectre autistique.
Aussi, depuis plusieurs mois, la Fondation s’est engagée en sensibilisant largement à travers sa mobilisation Tout mais pas ça ! En quelques mois, elle a organisé dans toute la France plus de soixante-dix soirées ciné-débat et a rencontré près de 8 000 personnes. Elle a fédéré, autour du documentaire Mourir n’est pas tuer, enquête au cœur de la fin de vie, produit par Bernard de la Villardière, des intervenants spécialistes de la fin de vie et des soins palliatifs : médecins, soignants, psychologues, philosophes, pour redire que la mort n’est pas un soin, que l’euthanasie conduit notre société à un déni d’humanité.
Forte de cette expérience de terrain et des rencontres qu’elle a rendues possibles, animée par le souci de la protection des patients porteurs d’un handicap intellectuel d’origine génétique, la Fondation Jérôme Lejeune demande aux élus de s’opposer à ce projet hors sol et idéologique. L’urgence est ailleurs : il faut développer et valoriser l’accompagnement et le soin.
[1] Euthanasia and physician-assisted suicide in people with intellectual disabilities and/or autism spectrum disorders: investigation of 39 Dutch case reports (2012–2021), Cambridge University Press, 23 May 2023.
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