Le 11 octobre dernier, France 2 diffusait « le prochain voyage », un téléfilm faisant explicitement l’apologie du suicide assisté. Il était suivi d’un débat et d’un documentaire en faveur de l’euthanasie. Dans une lettre ouverte adressée à France télévision, Lucie Pacherie, juriste et chargée du plaidoyer France à la Fondation Lejeune, a dénoncé l’insistance d’une programmation qui méprise les règles élémentaires de la déontologie.
« Comment ne pas vous interpeller, Mesdames Messieurs les médiateurs de France Télévisions, face à l’idéologie suicidaire que vous propagez sur vos chaînes ? Au moment où le gouvernement précise le calendrier et le contenu du projet de loi sur l’euthanasie et le suicide assisté, vous diffusez un documentaire-plaidoyer en faveur de l’euthanasie et un téléfilm-ode au suicide des personnes âgées.
Le premier, mené par une journaliste engagée pour l’euthanasie, berce dans l’illusion que la mort administrée abrège les souffrances, évite la dépendance et permet de « partir » avec le sourire, cigarette et coupe de champagne à la main. Le second, joué par l’égérie de l’ADMD, raconte le suicide d’un couple âgé qui souhaite « éviter l’agonie dans une chambre d’hôpital » et présente le suicide comme un acte facile, un témoignage d’amour.
À quel moment avez-vous respecté les règles déontologiques qui s’imposent aux médias ? En plus de l’irrespect du pluralisme d’opinion, vous méconnaissez votre devoir de sauvegarde de la santé publique. Au lieu de prévenir la contagion suicidaire vous en faites la promotion. La Fondation Jérôme Lejeune vous appelle à la responsabilité.
Une porte ouverte au « suicide mimétique »
L’effet Werther ou « suicide mimétique » est un phénomène prouvé. Il montre la corrélation entre la médiatisation de cas de suicide et la hausse de suicides dans la population. En France, on déplore 9 200 suicides par an et 100.000 tentatives. Des drames analysés par les professionnels comme relevant de la santé mentale, qui sont à accompagner et soigner. Nulle question alors de « liberté » des suicidants, mais de « prise en charge » de patients. Pour lutter contre ce fléau, le droit Français pénalise la « provocation au suicide », la « propagande ou publicité en faveur de produits, d’objets ou de méthodes préconisés comme moyens de se donner la mort » par exemple. Des délits qui peuvent être commis par la « voie de la presse écrite ou audiovisuelle ». L’Organisation mondiale de la santé (OMS) conseille les médias à travers une ressource pour leur indiquer les « choses à faire et à ne pas faire » sur ce sujet.
Le téléfilm que vous diffusez présente le suicide de personnes âgées comme un acte courageux. Il n’intègre aucun message de prévention. Le numéro national de prévention au suicide n’apparaît par exemple à aucun moment. Comment ignorer qu’une personne, seule, âgée, dépendante, qui regarde cette fiction militante sur le suicide d’un couple aimant, entouré, autonome, puisse envisager de passer à l’acte elle aussi ?
L’impact positif des messages alternatifs au suicide assisté
Si l’on connaît l’effet Werther, on connaît aussi l’impact d’une loi sur l’euthanasie et le suicide assisté sur les populations. L’offre crée la demande. En Belgique les demandes d’euthanasie se sont multipliées par 10 en 20 ans. Les Pays-Bas connaissent une hausse de leur taux de suicide de 27% en 14 ans depuis qu’ils ont dépénalisé euthanasie et suicide assisté. Les « psys » eux-mêmes alertent sur l’effet d’une légalisation : « Les engrenages une fois lancés atteignent irrémédiablement les plus vulnérables sur le plan psychique ».
Il est de votre responsabilité de provoquer l’effet Papageno, c’est-à-dire d’opter pour des messages qui présentent les alternatives au suicide et dissuadent de se donner la mort. Le témoignage de Pone ou des signataires du Manifeste des 110 contribue à un tel effet. Ils diffusent une force de vie qui relève bien portants, malades, vulnérables. Ce sont eux, Mesdames Messieurs les médiateurs qui doivent être mis en lumière sur vos chaînes, ou encore les professionnels de soins palliatifs, les psys, qui aident à surmonter le désespoir. Ce sont eux qui redonnent le sens de la société solidaire et obligent à la créativité médicale et citoyenne.
Des documentaires qui assurent le pluralisme des opinions et promeuvent autre chose que la mort programmée il y en a : Mourir n’est pas tuer, enquête au cœur de la fin de vie, produit par Bernard de la Villardière en est un exemple, tout comme Vivants, 30 vivants, Invincible été, etc. France Télévisions n’a que l’embarras du choix ».
Cette tribune a été initialement publiée dans le Figaro Vox du 18 octobre 2023 sous le titre : « Le prochain voyage »: quand le service public fait la promotion du suicide assisté.