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L’habituation au soin, un soin à part entière

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Soin
22 Juil 2024 L’habituation au soin, un soin à part entière

Les personnes avec déficience intellectuelle ont souvent de grandes difficultés à accepter les soins les plus basiques. À l’Institut Jérôme Lejeune, les deux infirmières ont mis en place un plan “douleur et appréhension des soins” : ce court protocole d’habituation au soin est un travail de pédagogie et d’accompagnement indispensable.

Apaiser les personnes en phobie de soin

L’habituation au soin concerne tous ceux qui sont en phobie de soin, ce qui est souvent le cas des personnes porteuses de déficience intellectuelle, surtout de troubles du spectre autistique ou de trisomie 21. Ces dernières ont en général beaucoup de comorbidités, un lourd passif d’opérations chirurgicales et souvent des expériences de soin traumatisantes, réalisées “avec contention” c’est-à-dire de force. Pour contrebalancer une seule de leurs expériences négatives, il faut beaucoup d’expériences positives du soin. Elles ont aussi des difficultés à comprendre le soin donné et présentent souvent une hypersensibilité sensorielle : le moindre contact avec leur peau peut être vécu comme une agression et la moindre douleur peut provoquer des réactions démesurées. Ces difficultés expliquent les refus ou abandons de soins fréquents dans le parcours des personnes porteuses de handicap. 

Face à cette situation, il existe une méthode d’apprentissage du soin inspirée des méthodes cognitivo-comportementales. Elle consiste à décomposer le soin en tout petits actes, à travailler chacun d’eux séparément de manière progressive jusqu’à acceptation, puis à travailler l’enchaînement des actes entre eux, jusqu’à la réalisation du soin. L’important est d’adapter le protocole à ce qui pose réellement problème au patient. Tous les soins prévisibles peuvent être concernés : prise de sang, examen clinique, soins dentaires, examens radiologiques, etc. Le but est que le soin soit accepté par la personne et puisse être réalisé sans violence ni contention. Pendant l’habituation, on utilise souvent un “objet renforçateur” qui sert de récompense motivante quand une séquence a été réussie : jeu, barre de chocolat ou vidéo. Par définition, tout cela ne peut pas se faire en urgence : c’est une méthode très chronophage qui peut prendre de quelques jours à quelques semaines.

À l’Institut Jérôme Lejeune, un protocole adapté

Le protocole d’habituation au soin est en général réalisé dans des structures spécialisées comme des centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) ou des unités Handiconsulte, déployées dans certains départements et dédiées aux personnes en échec de soin. Il n’est pas référencé comme un soin pris en charge par l’Assurance maladie, sauf chez le dentiste où une “consultation blanche” d’habituation est remboursée pour les patients porteurs de handicap. À l’Institut Jérôme Lejeune, il n’est pas possible de réaliser la version standard de ces protocoles très chronophages et non remboursés. L’habituation au soin est pourtant une partie intégrante du travail réalisé à l’Institut : dans l’accueil, dans la relation avec la famille et dans la prescription médicale.

Formées à l’accueil des personnes en phobie de soin, les deux infirmières de l’Institut ont élaboré un protocole court d’habituation au soin pour rassurer le patient avant une prise de sang. Dès son arrivée, le patient peut lire une BD pédagogique : “Nounours va chez le médecin”. Il fait une première visite de la salle où il sera prélevé : c’est une “visite blanche”. Le MEOPA (mélange équimolaire d’oxygène et de protoxyde d’azote) est souvent utilisé : c’est un gaz hilarant qui détend et aide à gérer l’anxiété. Mais cela suppose le port d’un masque qui doit également être accepté par le patient : administré de force, le MEOPA n’a aucun effet. Pour faire accepter le masque, on l’enduit d’arôme naturel pour pâtisserie (goût fraise ou vanille) et on le donne au patient pendant la consultation médicale pour qu’il joue avec. Il peut ensuite venir avec “son” masque pour la prise de sang dans les meilleures conditions.

Les familles sont aussi largement mises à contribution pour l’habituation au soin des patients de l’Institut, de manière adaptée à ce qui pose problème et à ce qui est faisable par chaque famille. Par exemple, le masque MEOPA peut être confié à la famille plusieurs jours avant, pour que le patient s’y familiarise par le jeu avant de l’utiliser pour une prise de sang. On conseille aussi aux familles de mettre de la crème hydratante chaque jour à l’endroit où sera appliquée de la crème EMLA (un anesthésiant local). Plus largement, les infirmières forment les familles à l’habituation au soin pour tous les actes de la vie quotidienne, de l’habillement au lavage de dents. L’antenne de Nantes, de son côté, accueille des patients âgés qui doivent souvent réaliser des polysomnographies de nuit à l’hôpital, avec un matériel lourd (lunettes à oxygène, fils, ceintures pectorales et dorsales). Ce matériel est prêté plusieurs jours à l’avance aux structures qui accueillent leurs patients, afin qu’ils puissent s’entraîner à dormir avec. 

Enfin, en cas de phobie de soin persistante, l’Institut Jérôme Lejeune peut également mettre la famille en contact avec une structure adaptée qui pourra réaliser la totalité du parcours d’habituation au soin, avec ordonnance le cas échéant.

3 questions à Aude Pinard-Legry, infirmière à l’Institut Jérôme Lejeune

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Pourquoi l’habituation est-elle si importante dans votre quotidien ?

Administrer un soin de force est une violence blessante. Cela laisse des marques sur le patient aussi bien que sur le soignant ! C’est pourquoi l’habituation est notre combat de tous les jours à l’Institut Lejeune. Notre objectif est de réaliser le moins possible de contentions. 

Combien de temps est-ce que cela vous demande ?

Cela dépend bien sûr des situations, mais il est clair que cela représente l’essentiel de notre temps de travail. C’est la part la plus difficile de notre activité, la plus gratifiante aussi. 

Quels sont les résultats de ces actions ?

Nous sommes confrontés à un plafond que nous ne pouvons pas réduire : dans les situations où le patient est impossible à tranquilliser, où la famille n’a pas accès à un dispositif Handiconsulte et où le prélèvement est une nécessité absolue, la contention est malheureusement notre dernier recours. Mais dans la très grande majorité des cas, nos gestes d’habituation sont suffisants : nous n’avons que 1% de refus de soin et 2,8% de contention. Ce que ces chiffres ne montrent pas, c’est la joie et la fierté de nos patients quand ils ont réussi à accepter le soin. Fierté partagée !

Pour aller plus loin…

▶️ t21learning de l’Institut Jérôme Lejeune : Gérer l’appréhension des soins et L’habituation, c’est aussi à la maison
 
▶️ Webinaire de Coactis Santé : Handicap et anxiété : comment réaliser un programme d’habituation aux soins ? (Intervention d’Aude Pinard-Legry à partir de 45’30 »)
 
 
▶️ SantéBD, des bandes-dessinées pour comprendre la santé avec des images et des mots simples

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