Le monde a changé. L’homme a concrétisé le projet de se définir, de se construire, de se modifier et de se détruire. Chaque matin, il décide d’être ou de ne pas être. C’est le triomphe de la Modernité au sens historique du terme. Plus aucune « grandeur d’établissement » en France et très peu en Europe, plus aucune institution publique ou privée, ne conteste désormais cet acquis de l’autonomie philosophique même si de rares voix isolées s’époumonent encore.
Parmi celles-ci se distingue la Fédération One Of Us. Celle-ci regroupe 40 associations – issues de 15 pays européens – qui, suite à l’Initiative Citoyenne Européenne sur la protection de l’embryon humain déposée en 2014, continuent de porter la voix des 2 millions de citoyens demandant des politiques européennes respectueuses de la vie humaine. Le 23 février, elle organise un colloque à Paris au Palais du Luxembourg ayant pour objectif de s’armer contre le relativisme qui sévit en Europe et de réveiller les consciences et les intelligences. Il débouchera sur la création d’une plateforme culturelle européenne regroupant des intellectuels et universitaires européens.
En effet, on touche à l’humain même, les interrogations se multiplient. Faut-il aller dialoguer dans des purgatoires éthiques, pinailler sur la rédaction d’un article de loi ou glisser des amendements ? A qui d’ailleurs ? Les amarres aux rives de la sagesse ont été larguées depuis trop longtemps et la vague est trop puissante. Nous avons déjà les réponses à tous les problèmes, toutes les questions, tous les doutes.
La procréation est-elle un marché comme les autres ? Pourquoi pas si ça peut aider. L’embryon humain est-il respectable ? Pas plus qu’un matériau de laboratoire. L’avortement de tous les handicapés est-il légitime ? C’est un « ordre établi » compatible avec la prohibition de l’eugénisme. Mais les lois ne sont-elles pas respectées ? Pour être en règle, on change la règle. Etc. A cela s’ajoutent les débandades, comme le fait de brandir les soins palliatifs en guise de talisman, pour ne pas avoir à articuler un « non » à l’euthanasie. Ou critiquer la PMA pour toutes sans critiquer la PMA tout court. Hélas ! Les soins palliatifs n’empêchent pas plus l’euthanasie que la médecine périnatale n’empêche l’avortement. Et la notion de « projet parental » retenue pour définir l’enfant ne permet plus d’éviter l’extension de la PMA.
De la légitimité de l’humain
Le problème est bien plus profond que l’écume de ces controverses, c’est celui de la légitimité de l’humain. L’humain jouit-il encore d’une quelconque prééminence dans le grand foisonnement du vivant ou l’étalage de la technique ? Si c’est oui, alors il faut le dire vite parce que le marché a ciblé son nouvel eldorado, le corps humain, une énergie renouvelable qui n’a pas de prix, qui n’a même plus aucun prix. La phase de la déconstruction de l’humanisme est achevée. La reconstruction transhumaniste est à l’œuvre. Irons-nous, la corde au cou, en négocier les modalités ? Comme l’écrit le philosophe Rémi Brague, l’enjeu n’est plus celui du Bien comme au XIXème siècle, ni celui du Vrai comme au XXème siècle, mais celui de l’Etre.