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Du langage à l’alimentation, les défis de l’orthophonie à l’Institut Jérôme Lejeune

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Soin
07 Oct 2025 Du langage à l’alimentation, les défis de l’orthophonie à l’Institut Jérôme Lejeune

Au-delà d’un suivi médical stricto sensu, plusieurs spécialités paramédicales sont proposées à l’Institut pour répondre aux besoins spécifi ques des patients. Marie-Alix Law, orthophoniste, nous présente sa spécialité.

Pourquoi avez-vous choisi de travailler pour l’Institut Jérôme Lejeune ?

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Marie-Alix Low, orthophoniste

 

Dès ma jeunesse, j’ai côtoyé des personnes porteuses de trisomie 21 et appris à connaître la figure de Jérôme Lejeune. En plus de sa grande compétence scientifique et médicale, ce sont sa persévérance et son profond amour des plus fragiles qui m’ont touchée. Il a su rester fidèle à ses convictions en mettant son savoir au service des plus vulnérables et en défendant sans relâche la dignité de chaque personne. Pour moi, travailler à l’Institut, c’est poursuivre cet héritage en contribuant, aux côtés d’une équipe engagée, à une prise en charge exigeante et bienveillante. J’aime particulièrement travailler auprès de nos patients car ils nous apprennent la simplicité et la joie dans les petites choses. Ils nous rappellent la valeur de chaque progrès et des petites joies quotidiennes et nous inspirent aussi par leur persévérance au quotidien.

Quels troubles orthophoniques observez-vous chez les patients de l’Institut ?

Chez les jeunes enfants, on observe souvent un retard dans l’apparition du langage oral : les premiers mots arrivent plus tard et l’articulation est souvent altérée. En grandissant, certains développent un langage plus structuré mais restent limités dans la complexité des phrases ou la richesse du vocabulaire. La parole peut être difficile à comprendre, ralentie, hachée ou trop rapide. Chez d’autres, la communication orale reste très limitée et non verbale, passant par les gestes, les images ou les expressions du visage. Si les patients sont bien accompagnés, ils parviennent à développer une communication fonctionnelle et adaptée à leurs besoins. Enfin, on observe souvent des difficultés d’alimentation ou des fausses routes qui peuvent se multiplier avec l’âge et causer d’importantes complications médicales.

Quels sont les causes de ces difficultés ?

Elles sont de plusieurs ordres. La déficience intellectuelle entraîne d’abord un développement neurologique particulier qui affecte la coordination des gestes moteurs nécessaires à l’articulation ou à la mastication. Les troubles cognitifs altèrent aussi la mémoire, la compréhension, l’abstraction et l’adaptation aux situations nouvelles. Le plus souvent, ces patients présentent aussi une hypotonie musculaire qui rend plus difficile l’articulation, la mastication et la déglutition. Il y a aussi l’influence de malformations – comme un palais ogival ou des malocclusion dentaires – et des pathologies associées. Par exemple, l’hospitalisation et l’intubation d’enfants porteurs de trisomie 21 peuvent affecter leur motricité et leur sensibilité buccales.

Comment prenez-vous cela en charge ?

La spécificité de l’Institut est son rôle de diagnostic, de prévention et de guidance. Sur demande des médecins de l’Institut, nous réalisons des bilans approfondis suivis d’un compte-rendu détaillé. Puis nous faisons le lien avec les orthophonistes libéraux, la famille et les professionnels accompagnant le patient au quotidien, qui sont très demandeurs de nos conseils. Malheureusement, beaucoup de nos patients n’ont pas accès à un suivi orthophonique, faute de praticiens… Cela n’empêche pas nos bilans d’être très utiles, car les familles et les éducateurs ont un rôle important à jouer dans l’accompagnement du patient au quotidien. Notre objectif n’est pas que nos patients s’expriment comme tout le monde, mais qu’ils puissent communiquer au mieux, de façon claire, fonctionnelle et adaptée à leurs besoins.

Que conseillez-vous aux familles en cas de trouble de la communication ?

Pour un jeune enfant présentant un retard de langage, nous encourageons les parents à profiter des moments du quotidien pour enrichir son vocabulaire : nommer les vêtements pendant l’habillage, les aliments pendant les repas… L’introduction du langage signé, comme le « bébé signe » ou le Makaton, soutient aussi l’acquisition du langage. Pour améliorer la tonicité des muscles du visage, nous recommandons des séances de grimaces et parfois des massages oro-faciaux à réaliser chaque jour, utiles tant pour l’alimentation que pour la parole. Pour favoriser la compréhension, on suggère de poser une question simple puis de laisser à l’enfant le temps d’intégrer ce qui lui a été dit et de répondre.

Et pour des difficultés dans l’alimentation ?

En cas de troubles de la déglutition, nous pouvons recommander du matériel adapté comme un verre à encoche nasale pour limiter l’extension de la tête. Pour les difficultés alimentaires, il arrive que certains soient très sensibles aux textures, aux températures ou aux morceaux. Nous conseillons alors d’introduire les nouveautés progressivement, sans forcer, en respectant le rythme du patient.

Qu’est-ce qui fait votre joie, en tant qu’orthophoniste ?

C’est de voir les patients évoluer et s’épanouir grâce à leurs progrès ! Récemment, une patiente de 20 ans a développé sa parole : elle a compris qu’elle avait besoin du langage pour se faire comprendre dans sa nouvelle activité professionnelle… Avec un autre patient qui parlait peu, nous avons suggéré à la famille d’utiliser des images simples pour exprimer ce dont il avait besoin au quotidien. Hier, sa maman m’a dit qu’il avait acquis de nouveaux mots et parlait mieux. De manière générale, je crois que ma plus grande joie est de mettre en lumière ce qu’ils savent faire pour les valoriser, à leurs propres yeux et aux yeux de leur entourage !

Pour aller plus loin :

À 3 ans, mon fils porteur de trisomie 21 était suivi par une orthophoniste, mais son père et moi désirions un avis complémentaire pour nous assurer que cette prise en charge était bien pertinente. Notamment parce que les difficultés liées à l’oralité, comme la sensibilité aux textures dans l’alimentation, n’étaient pas du tout prises en compte… Et comme nous nous apprêtions à changer d’orthophoniste, nous voulions aussi être conseillés dans cette démarche. Nous avons donc demandé un bilan orthophoniste à l’Institut Jérôme Lejeune. Le rendez-vous a duré une heure. L’orthophoniste a fait goûter plusieurs aliments de texture différente à Maxime : compote, curly… Ce bilan nous a permis de distinguer les axes de travail à renforcer dans le suivi hebdomadaire de l’orthophoniste. Il nous a aussi apporté des conseils importants pour la vie quotidienne, en particulier de remettre en place les massages de stimulation bucco-faciale. Un avis d’expert bien utile et très rassurant, pour nous, parents !
Julie,
Maman de Maxime
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