À l’occasion de la Journée mondiale de la trisomie 21, ce 21 mars, plus de cinquante chercheurs issus de 13 pays [1] lancent un appel pour que les moyens consacrés à la recherche sur la trisomie 21 soient renforcés et que l’inclusion aux essais cliniques des personnes concernées soit garantie. Ils ont également salué le travail de la Fondation financeur et incubateur majeur de la recherche en Europe.
En ce 21 mars 2025, des initiatives fleurissent partout dans le monde pour célébrer l’inclusion et la défense des droits des personnes porteuses de trisomie 21. En tant que chercheurs internationaux, experts dans cette anomalie génétique, nous sommes préoccupés par le fait que les avancées scientifiques favorisant la santé de ces personnes restent largement méconnues et sous-financées. Pourtant, ces découvertes sont porteuses d’un avenir meilleur pour cette population marginalisée.
Depuis la découverte de la trisomie 21 – la cause génétique du syndrome de Down – par Jérôme Lejeune, Marthe Gautier et Raymond Turpin, en 1959, l’inclusion des personnes porteuses de trisomie 21 dans la société s’est considérablement améliorée. Ces progrès sont étroitement liés à une augmentation remarquable de leur espérance de vie, passée de 9 ans en 1930 à 20 ans en 1970, puis à près de 60 ans aujourd’hui dans certains pays. La clé de cette augmentation est la meilleure prise en charge des pathologies associées à la trisomie 21 grâce aux progrès continus de la recherche médicale et des soins cliniques.
L'espoir de nouveaux traitements
Les avancées scientifiques s’accélèrent. Plusieurs essais cliniques en cours offrent un espoir sans précédent pour de nouveaux traitements visant à améliorer les capacités intellectuelles. Les projets de recherche actuels visent à corriger les dérégulations génétiques, en ciblant des protéines et des récepteurs spécifiques comme les récepteurs aux interférons (NCT04246372, NCT05662228), DYRK1A (NCT06206824) et CBS (phase préclinique) chez l’adulte, ainsi qu’à améliorer la mémoire et les fonctions psychologiques chez l’enfant et l’adolescent (NCT06465823). Des combinaisons thérapeutiques efficaces ont le potentiel de révolutionner le traitement de la déficience intellectuelle.
Longtemps on a cru qu’il n’existait aucun moyen efficace de corriger la déficience intellectuelle. Des préoccupations éthiques – comme le consentement éclairé, l’intolérance aux tests ou l’évaluation complexe des résultats – excluent souvent les personnes porteuses de trisomie 21 des études cliniques sur la maladie d’Alzheimer, malgré sa haute prévalence dans cette population.
Investir dans la recherche pour développer des stratégies thérapeutiques plus sûres et adaptées aux personnes porteuses de trisomie 21 pourrait non seulement leur fournir des options de traitement tant attendues, mais aussi améliorer la sécurité et l’efficacité de ces thérapies pour tous. C’est l’objectif des études Abate (NCT05462106), Hero (NCT06673069) et Aladdin, qui visent à évaluer les effets neuroprotecteurs des thérapies contre la maladie d’Alzheimer chez les personnes porteuses de trisomie 21.
Enfin, le désir d’accueillir pour ce qu’elles sont les personnes porteuses de trisomie 21 peut parfois, paradoxalement, ralentir la recherche. Certains soutiennent que l’amélioration de leurs fonctions cognitives équivaut à la perte de leurs caractéristiques uniques, une forme de discrimination. Nous espérons pour notre part que l’innovation médicale saura révéler les capacités cachées mais bien réelles de ces personnes, sans altérer leur identité fondamentale.
Un manque de financement
Sur le plan financier, les préjugés inconscients selon lesquels les personnes porteuses de trisomie 21 ne peuvent être véritablement intégrées dans la société contribuent, en Europe, à un manque de volonté collective de financer la recherche sur la trisomie 21, qui concerne naturellement 1 naissance sur 700.
Le financement de la recherche dans ce secteur est marqué par d’importantes disparités géographiques : aux États-Unis, les National Institutes of Health (NIH) se sont associés à diverses organisations, dont la Global Down Syndrome Foundation, la Fondation Jérôme Lejeune, l’Alzheimer’s Association et la Trisomy 21 Research Society (T21RS), pour former le Down Syndrome Consortium en 2011. Les efforts de plaidoyer, emmenés par la Global Down Syndrome Foundation, ont soutenu le lancement en 2018 du projet Include du NIH, qui a alloué plus de 400 millions de dollars à la recherche sur la trisomie 21 pour soutenir de nouvelles études scientifiques fondamentales, des études de cohorte de personnes porteuses de trisomie 21 et de nombreux nouveaux essais cliniques.
Du côté de l’Union européenne, les financements limités ralentissent les progrès et limitent les avancées dans le domaine de la recherche sur la trisomie 21, même s’il faut saluer le soutien de 12 millions d’euros sur cinq ans au projet Icod (NCT05748405) et au consortium GO-DS21, par le programme Horizon 2020. Pourtant, le financement européen de la recherche sur la trisomie 21 provient principalement de la générosité de donateurs privés, notamment via la Fondation Jérôme Lejeune, financeur et incubateur majeur de la recherche en Europe. En Asie et dans les pays du Sud, ces financements sont quasiment inexistants.
De nouvelles thérapies qui pourraient bénéficier à tous
Comment remédier à cette situation ? D’abord en sensibilisant le public aux bénéfices que la recherche sur la trisomie 21 peut et va apporter à la société dans son ensemble. La trisomie 21 offre une occasion unique de mieux comprendre d’autres pathologies et de développer de nouvelles thérapies qui pourraient bénéficier à tous.
Financer la recherche sur la trisomie 21 est la promesse d’un avenir où les personnes porteuses de trisomie 21 seront considérées comme des bénéficiaires, mais aussi comme des contributeurs essentiels au progrès scientifique et social. Nous appelons les décideurs politiques, les organismes de financement et la communauté scientifique à augmenter le financement dédié à la recherche, à garantir l’inclusion aux essais cliniques et à favoriser les collaborations interdisciplinaires. Il ne s’agit pas seulement d’un impératif scientifique, mais d’un impératif humain.
[1] Eugenio Barone, Italie ; Renata Bartesaghi, Italie ; Laura Cancedda, Italie ; Filippo Caracin, Italie ; María Carmona-Iragui, Espagne ; Cécile Cieuta-Walti, Canada ; Alberto Costa, États-Unis ; Floriana Costanzo, Italie; Alain Dekker, Pays-Bas ; Rafael de la Torre, Espagne ; Fabio Di Domenico, Italie ; Mara Dierssen, Espagne ; Joaquin Espinosa, États-Unis ; Elizabeth Fisher, Royaume-Uni ; Juan Fortea, Espagne ; Pilar Garcia, Espagne : Sujay Ghosh, Inde ; Ann-Charlotte Granholm, États-Unis ; Sigan Hartley, États-Unis ; Elizabeth Head, États-Unis ; Pablo Helguera, Argentine ; Yann Herault, France ; Thessa Hilgenkamp, États-Unis ; Jacqueline London, France ; Mariana Maccioni, Argentine ; Pierre-Yves Maillard, France ; Eimear McGlinchey, Irlande ; André Megarbane, Liban ; Laurent Meijer, France ; Clotilde Mircher, France ; Elliott Mufson, États-Unis ; Lucio Nitsch, Italie ; Dean Nizetic, Royaume-Uni ; Eitan Okun, Israël ; Marzia Perluigi, Italie ; Jon Pierce, États-Unis ; Marie-Claude Potier, France ; Michael S. Rafii, États-Unis ; Diego Real de Asua, Espagne ; Anne-Sophie Rebillat, France ; Damien Sanlaville, France ; Jonathan Santoro, États-Unis ; Stephanie Santoro, États-Unis ; Iris Scala, Italie ; Ignacio Sfaello, Argentine ; Brian Skotko, États-Unis ; Fiorenza Stagni, Italie ; Pierluigi Strippoli, Italie ; Csaba Szabo, Suisse ; Antonella Tramutola, Italie ; Rosa Anna Vacca, Italie ; Diletta Valentini, Italie ; Stefano Vicari, Italie ; Frances Wiseman, Royaume-Uni ; Bing Ye, États-Unis ; Eugene Yu, États-Unis ; Shahid Zaman, Royaume-Uni.
NDLR : Cette tribune a initialement été publiée par le Figaro sous le titre «Trisomie 21 : augmenter le soutien à la recherche et au soin»
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