Initié en 2017, le projet Respire 21 est arrivé à son terme avec la publication des résultats de l’étude dans le Lancet Regional Health-Europe. L’objectif de cette étude clinique conduite en collaboration étroite avec l’hôpital Necker était de démontrer l’intérêt d’un dépistage et d’une prise en charge précoces du syndrome des apnées obstructives du sommeil (SAOS) chez les nourrissons porteurs de trisomie 21. Les résultats sont positifs. Un première mondial qui confirme l’intuition de Jérôme Lejeune : il est possible d’agir sur le développement neurocognitif des jeunes enfants porteurs de trisomie 21.
On connait depuis une bonne vingtaine d’années la prévalence du syndrome des apnées obstructives du sommeil (SAOS) chez l’adulte et l’enfant porteurs de trisomie 21 et ses effets délétères sur l’état cognitif et le comportement. Ce syndrome est systématiquement dépisté et traité à l’âge adulte, et il est recommandé de le faire entre 36 et 48 mois chez l’enfant. La médecine ne s’était en revanche pas beaucoup penchée sur le cas des très jeunes enfants porteurs de trisomie 21, alors que leur cerveau est en pleine phase de développement entre 0 et 36 mois. Les enfants de cette classe d’âge demeuraient sous-diagnostiqués, et par conséquent sous-traités.
Partant de l’hypothèse que de nombreux nourrissons porteurs de trisomie 21 n’optimisent pas leur développement cognitif du fait d’un sommeil de qualité insuffisante à un âge précoce, l’Institut Jérôme Lejeune et le Professeur Brigitte Fauroux, responsable de l’Unité de ventilation non invasive et du sommeil de l’enfant à l’hôpital Necker, ont conduit pendant 5 ans l’étude Respire 21. Cette importante étude clinique visait à montrer si un dépistage systématique associé à une correction optimale du SAOS pendant les 3 premières années de vie participait à améliorer la qualité du sommeil et le développement neurocognitif du très jeune enfant porteur de trisomie 21.
Les résultats sont positifs, à la fois pour le sommeil et pour le développement neurocognitif. Décryptage :
L’étude Respire 21 apporte en premier lieu la confirmation de la forte prévalence du SAOS chez les nourrissons avec trisomie 21 : à l’âge de 6 mois, 97% de ceux inclus dans l’étude ont des apnées, et 54% font des apnées modérées ou sévères. Dépistées puis traitées médicalement ou par chirurgie ORL (telle que l’ablation des amygdales), leur sévérité diminue dès l’âge de 12 mois, améliorant significativement la qualité et l’architecture du sommeil.
Du point de vue du développement neurocognitif ensuite, le quotient de développement global 1 évalué à 36 mois après dépistage et, le cas échéant, traitement, montre des résultats meilleurs de façon statistiquement significative. Celui-ci est globalement supérieur de 4 points par rapport à celui des jeunes enfants porteurs de trisomie 21 âgés de 36 mois et sans dépistage précoce. Quand un enfant ordinaire âgé de 36 mois a un quotient de développement global autour de 100, l’enfant trisomique avec trisomie 21 non traité pour les SAOS en a un de 50,7, et celui dépisté précocement et, le cas échéant, traité avant 36 mois a un quotient de développement de 55,4.
De même, les fonctions adaptatives évaluées par l’échelle de Vineland sont statistiquement meilleures chez les enfants dépistés et traités précocement, avec un écart de 13 points entres les deux groupes étudiés 2 .
Ces différences statistiques sont-elles significatives du point de vue clinique ? L’étude laisse supposer une réponse positive, car les résultats de ces deux tests sont concordants et bien corrélés.
Pour la première fois dans l’histoire de la médecine de la trisomie 21, on a donc réussi à montrer qu’une intervention médicale et/ou chirurgicale peut lever un frein au développement neurocognitif et socio-adaptatif du jeune enfant porteur de trisomie 21 par l’amélioration de la qualité de son sommeil.
Si l’amélioration constatée reste mesurée, cela n’en demeure pas moins une avancée considérable de la médecine du jeune enfant avec trisomie 21 : l’étude Respire 21 confirme que le quotient de développement des personnes porteur de trisomie 21 n’est pas figé et qu’il est possible de l’améliorer. On savait déjà que l’autonomie et la qualité de vie peuvent en partie être améliorées par une bonne prise en charge rééducative, on sait aujourd’hui que la médecine peut aussi agir sur une complication qui affecte le développement neurocognitif, avec l’espoir de permettre à ces enfants de tirer un meilleur bénéfice de leur scolarité, d’améliorer leurs apprentissages, et in fine leur autonomie et leur inclusion.
Tout l’enjeu sera désormais de rendre accessible le dépistage et le traitement des apnées obstructives du sommeil à l’ensemble des très jeunes enfants avec trisomie 21, en cherchant également de nouvelles méthodes d’analyse du sommeil plus simples. Les résultats appellent aussi à une révision des recommandations de bonnes pratiques et la mise en œuvre de moyens nouveaux. L’espoir est grand du côté des familles des patients.
La Fondation Jérôme Lejeune félicite très chaleureusement les équipes de l’Institut Jérôme Lejeune qui persévèrent sans relâche dans la recherche, au bénéfice direct du patient, ainsi que celles de l’hôpital Necker pour cette magnifique collaboration.
Elle est heureuse et fière d’avoir financé cette étude clinique depuis son commencement, et remercie vivement les milliers de donateurs qui y ont participé. Cette étude confirme la pertinence de notre stratégie de recherche et l’intuition qu’avait le professeur Jérôme Lejeune : oui, il est possible d’agir sur le développement cognitif dans la trisomie 21.
1 Le quotient de développement global (issu du test Griffiths III) est utilisé pour évaluer le développement psychomoteur de la naissance à 6 ans dans 5 domaines : bases des apprentissages, langage et communication, coordination oculo-manuelle, personnel-social-émotionnel, coordination motrice globale.
2 L’échelle de Vineland, est une échelle de comportement adaptatif qui permet d’évaluer les aptitudes et les dysfonctionnements dans la vie quotidienne des patients. Cette échelle s’intéresse à quatre grands domaines : la communication, la vie quotidienne, la socialisation et la motricité. En population générale, le score global est autour de 100.
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