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La France à la pointe de l’eugénisme

Bioéthique
28 Juin 2012 La France à la pointe de l’eugénisme

Intervention JM Le Méné au Conseil de l’Europe le 28 juin 2012 au sujet de l’eugénisme des trisomiques

jmlemeneI – La France est à la pointe de l’eugénisme parce qu’elle ne se demande plus pourquoi elle élimine 96 % des enfants trisomiques 21 dépistés.

1°) D’une part, la quasi-totalité des gynécologues obstétriciens et la plus grande partie du monde médical l’ont admis : « Il est généralement admis, par exemple, que sauf conviction ou disposition affective contraire des parents, un fœtus atteint de trisomie 21 peut, légitimement au sens de l’éthique collective et individuelle, bénéficier d’une interruption médicale de grossesse. Il existe une sorte de consentement général, une approbation collective, un consensus d’opinion, un ordre établi en faveur de cette décision, au point que les couples qui devront subir une interruption de grossesse pour une trisomie 21 ne se poseront guère la difficile question de la pertinence de leur choix individuel. La société en quelque sorte, l’opinion générale, même en dehors de toute contrainte, a répondu pour eux. Tout le monde ou presque aurait agi de la même façon. L’indication paraît même tellement établie que les parents considèrent en quelque sorte que c’est un droit. Qui d’ailleurs songerait à leur disputer ? L’économie sera faite ici de lancinantes interrogations sur la pertinence du choix » 1).

« Hier ist kein warum » : « Ici, il n’y a pas de pourquoi », écrivait Primo Livi dans Se questo è un uomo, Si c’est un homme.

2°) D’autre part, les institutions françaises ne se demandent pas davantage pourquoi.

Ainsi, la Cour de cassation, par un arrêt Perruche du 17 novembre 2000, a fait droit à l’action en réparation, dite de vie préjudiciable, exercée contre un médecin au nom de l’enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse de la mère, celle-ci affirmant qu’elle aurait avorté si elle avait été correctement informée. L’erreur ou l’absence de diagnostic aurait été la cause du handicap et l’enfant aurait donc subi le préjudice de ne pas avoir été avorté. Il a fallu, sous la pression d’une vive controverse, que le Parlement intervienne pour interdire cette action par une loi du 7 mars 2002. Toutefois, la Cour de cassation continue à accueillir des demandes d’indemnisation formées au nom de l’enfant atteint d’un handicap décelable après l’entrée en vigueur de la loi en considérant non pas la date de l’introduction de l’instance mais la date de la découverte du handicap (en général celle de la naissance).

De même, la dernière loi de bioéthique française, celle de 2011, a fait dorénavant une obligation à tous les médecins d’informer toutes les femmes enceintes sur un dépistage anténatal de la trisomie 21 qui peut conduire à interrompre la grossesse à tout moment, jusqu’au jour de la naissance. Et qui conduit toujours à l’élimination d’une population entière d’individus sélectionnés sur la base de leur génome, ce qui est la définition même de l’eugénisme.

« Hier ist kein warum » : « Ici, il n’y a pas de pourquoi ». Au contraire, la France se demande même, pour reprendre les propos d’un député de l’Assemblée nationale, pour quoi il reste encore 4 % d’enfants trisomiques qui naissent.

II – Mais la France est surtout à la pointe de l’eugénisme parce qu’elle se demande comment éliminer 96 % des enfants trisomiques dépistés.

1°) En témoignent les études coûts/bénéfices qui ont été produites en France dans les années 1990 et qui tendent à mettre en avant la nécessité de faire disparaître une source de charges pour la société. Ainsi, « L’analyse coût-bénéfice, quand elle se contente d’opposer le coût collectif des amniocentèses et des caryotypes et celui de la prise en charge des enfants handicapés qui n’auraient pas été dépistés, et sous l’hypothèse qu’un diagnostic positif est suivi systématiquement d’une interruption médicale de grossesse qui évite le handicap, montre que l’activité de diagnostic prénatal est tout à fait justifiée pour la collectivité »(2).

Faire abstraction, dans le raisonnement, de la destruction de fœtus sains du fait de l’amniocentèse dans 1% des cas, comme s’ils ne comptaient pour rien, confirme l’exigence économique qui sous-tend la stratégie de dépistage. En effet, « si l’on accorde à la perte d’un fœtus sain une valeur équivalente au fait d’éviter un cas de trisomie 21, le résultat de l’analyse coût-bénéfice est inversé »(3).

2°) En témoignent les arguments qui tendent à mettre en avant la réconciliation avec le bonheur ou l’innocence.

Ainsi : « Le diagnostic prénatal a souvent une connotation péjorative, au moins pour ceux qui n’y voient qu’une possible condamnation à mort pour des fœtus mal formés. Il est préférable d’y voir une procédure qui a pour objectif de permettre à des parents porteurs d’une tare génétique ou appartenant à un groupe à risque, d’avoir les enfants normaux qu’ils désirent »(4).

Ou encore : « L’exercice de l’euthanasie fœtale fonde sa décision sur l’appartenance à une catégorie, à un groupe, celui des enfants malformés ou génétiquement malsains. Rien, effectivement, ne distingue dans ses modalités d’exécution ni dans ses modes opératoires un eugénisme médical d’un eugénisme criminel ou génocidaire, sinon la pureté de l’intention, la sincérité de la motivation et la qualité de la finalité poursuivie » (5).

Conclusion

Si l’enfant trisomique porte en lui le principe du malheur et du désordre, ce qui est généralement admis en France puisque notre pays dépense 250 M€/an dans le dépistage anténatal, alors c’est le sacrifice de sa vie qui va rétablir l’ordre et le bonheur. La victime trisomique va d’abord faire l’unanimité contre elle puis autour d’elle. Ainsi s’explique qu’on puisse passer de la détestation à l’admiration. Et que les personnes trisomiques soient plus présentes sur les tréteaux que dans les berceaux.

Que faisons-nous pour aider les Hommes à rester des Hommes ?

 


 

1) Pr. Jacques Milliez, L’euthanasie du fœtus, Editions Odile Jacob, 1999

2) Haut comité de la santé publique, Pour un nouveau plan périnatalité, éditions ENSP, janvier 1994, page 91.

3) Idem

4) Rapport du Pr. Jean-François Mattei en 1996.

5) Jacques Milliez, déjà cité.

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