La Fondation Lejeune a enregistré une victoire juridique contre l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) qui avait autorisé illégalement une expérimentation du DPI-A (diagnostic pré-implantatoire des aneuploïdies). Retour sur une bataille juridique à la charnière du respect de la vie humaine et de la dignité des personnes porteuses de trisomie 21.
Détruire dans l’éprouvette les embryons trisomiques
Tout débute en 2021 à l’Assemblée nationale, au cours de la révision de la loi bioéthique. Sous la pression de lobbys de l’industrie de la procréation, plusieurs parlementaires proposent de légaliser le diagnostic préimplantatoire des aneuploïdies (DPI-A). Ce test génétique vise à détecter dans l’éprouvette, en vue de les détruire, les embryons aneuploïdes, c’est-à-dire qui comportent un nombre anormal de chromosomes – comme ceux porteurs d’une trisomie 21 -, dans le cadre d’une procréation médicalement assistée (PMA). Les partisans du DPI-A se fondent sur l’équation suivante : détection d’un fœtus trisomique = interruption de grossesse. Invoquant le « principe de non malfaisance » pour éviter un avortement traumatisant aux couples, ils osent qualifier de « légumes » les enfants porteurs de trisomie 21 [1] et appellent à la « traque des embryons porteurs d’anomalies chromosomiques » [2] .
Des parlementaires de tous bords politiques dénoncent alors un « tri épouvantable » [3] , une « fabrique sur-mesure » [4] , « un eugénisme » [5] . La ministre de la Santé d’alors, Agnès Buzyn, tire la sonnette d’alarme en dénonçant la dérive eugéniste et en soulignant qu’avec le DPI-A, la procréation en laboratoire deviendrait plus intéressante pour les couples qui auraient le « droit de trier ». Ce risque de dérives convainc le Parlement, qui maintient l’interdit du DPI-A.
L’essai clinique, un outil pour contourner la loi
En dépit de cette interdiction, l’ANSM a autorisé en mars 2021 un essai clinique visant à expérimenter le DPI-A. Olivier Véran, successeur de Agnès Buzyn au ministère de la Santé, avait en effet donné prise à une hypothèse des promoteurs : le DPI-A pourrait diminuer le taux de fausse couche après FIV. Faisant fi du législateur, il avait annoncé le lancement d’un programme de recherche pour valider cette hypothèse et rendre acceptable le DPI-A. L’ANSM a alors autorisé l’essai clinique DEVIT [6] dont l’objectif était de comparer le taux de naissances vivantes obtenu chez 700 couples en parcours de PMA avec fécondation in vitro, entre un groupe témoin pris en charge de manière standard (sans DPI-A) et un groupe traité avec le DPI-A.
La Fondation a demandé au juge l’annulation de cet essai qui mettait en œuvre une pratique interdite par le législateur et violait l’interdit de l’eugénisme et la dignité des personnes porteuses de trisomie 21 [7]. Cinq personnes porteuses de trisomie 21 sont intervenues en tant que tierce partie. L’une d’entre elles, Madeleine, a pris la parole pour proclamer l’égal droit à vivre des personnes porteuses de trisomie 21, tandis que son avocate expliquait que l’enjeu du DPI-A n’est pas réservé aux experts [8] .
Le 7 février 2024, le tribunal administratif de Montreuil a annulé l’autorisation de l’ANSM en rappelant l’interdiction légale du DPI-A, y compris au stade de la recherche. L’ANSM a fait appel mais l’essai clinique reste suspendu jusqu’à nouvel ordre. Les pressions sont fortes. Les chercheurs qui reconnaissent être en dehors du champ légal9 ont un relais efficace au Parlement : une semaine après le jugement du tribunal, le député Philippe Berta a demandé au gouvernement de rouvrir le débat sur le DPI-A. Dans la presse grand public, la Fondation a été accusée de freiner un progrès de la PMA10. En réalité, ce que la Fondation veut limiter, ce sont les graves dérives eugénistes de l’industrie de la procréation.
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[1] Philippe Berta, MoDem / [2] Philippe Vigier, MoDem / [3] Danielle Fasquelle, LR / [4] Dominique Potier, PS /[5] Bruno Retailleau, LR / [6] du titre de l’essai clinique, « DElivery in VItro Trophectoderm » / [7] Retrouvez l’explication de l’essai clinique et la procédure en vidéo sur la chaîne Youtube de la Fondation Jérôme Lejeune / [8] Retrouvez la prise de parole de Madeleine, tierce intervenante, aux côtés de son avocate Me Le Gouvello, sur FigaroLive : Madeleine, porteuse de trisomie 21 : «Je vous respecte, alors acceptez-moi telle que je suis» (lefigaro.fr) / [9] Viser Nelly Achour sur France culture + François Vialard sur Marie-Claire / [10] https://www.marieclaire.fr/dpi-a-interdit-parcours-pma-sante-des-femmes,1476242.asp
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